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Le samedi 27 février, le roi revint de Marly à Versailles. Il avoit mangé, tout ce voyage, seul dans sa chambre, matin et soir, à son très-petit couvert. Il ne voulut point de resperts en forme de sa cour, comme il s’étoit pratiqué à la mort de Monseigneur. Il fit dire qu’il verroit tout le monde à la fois tout en arrivant. Les princes et princesses du sang et bâtards l’attendirent dans ses cabinets ; la duchesse du Lude et les dames de Mme la Dauphine, le chevalier d’honneur et les autres grands officiers à la porte de son cabinet, ensemble ; les dames dans sa chambre, les hommes dans son antichambre et dans les pièces suivantes, jusqu’à la porte de l’appartement de Mme de Maintenon. Tout étoit en mantes et en manteaux longs. Le roi arriva à quatre heures, et monta droit dans ses cabinets par son petit degré, puis traversa lentement jusque chez Mme de Maintenon pour remarquer tout le monde. Il embrassa uniquement la duchesse du Lude, et lui dit qu’il n’étoit pas en état de lui parler, mais qu’il la verroit. Une demi-heure après, Mme de Maintenon lui manda de venir chez elle avec les dames de Mme la Dauphine. Elles y virent le roi sans mante. Il parla obligeamment à toutes, et retint après la duchesse du Lude, qu’il fit asseoir, et qui fut longtemps en tiers avec lui et Mme de Maintenon. Il l’a vue beaucoup de fois depuis de la sorte, et comme plus du tout en public qu’à Marly, quand sa santé lui permettoit d’y aller ou d’être des voyages. Tout ce qui étoit là en mantes et en manteaux alla comme en procession chez tous les princes et princesses, commençant par M. [le duc] et Mme la duchesse de Berry, et finissant par le comte de Toulouse. Personne n’avoit été chez les princes et princesses du sang à la mort de Monseigneur. On a vu par quel manége M. du Maine obtint qu’on allât chez les bâtards. En cette occasion, on fut sans ordre, et comme moutons, chez les princes et princesses du sang. Il n’y eut que ce seul jour pour les manteaux et les mantes.

Le mardi, 1 mars, le roi vit dans son cabinet tous les