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cet établissement n’étoient déjà plus ou hors d’état de servir.

Cette grande et sainte maxime : que les rois sont faits pour leurs peuples et non les peuples pour les rois ni aux rois, étoit si avant imprimée en son âme qu’elle lui avoit rendu le luxe et la guerre odieuse. C’est ce qui le faisoit quelquefois expliquer trop vivement sur la dernière, emporté par une vérité trop dure pour les oreilles du monde, qui a fait quelquefois dire sinistrement qu’il n’aimoit pas la guerre. Sa justice étoit munie de ce bandeau impénétrable qui en fait toute la sûreté. Il se donnoit la peine d’étudier les affaires qui se présentoient à juger devant le roi aux conseils de finance et des dépêches ; et, si elles étoient grandes, il y travailloit avec les gens du métier, dont il puisoit des connoissances, sans se rendre esclave de leurs opinions. Il communioit au moins tous les quinze jours avec un recueillement et un abaissement qui frappoit, toujours en collier de l’ordre et en rabat et manteau court. Il voyoit son confesseur jésuite une ou deux fois la semaine, et quelquefois fort longtemps, ce qu’il abrégea beaucoup dans la suite, quoiqu’il approchât plus souvent de la communion.

Sa conversation étoit aimable, tant qu’il pouvoit solide, et par goût ; toujours mesurée à ceux avec qui il parloit. Il se délassoit volontiers à la promenade : c’étoit là où ces [qualités] paraissoient le plus. S’il s’y trouvoit quelqu’un avec qui il pût parler de sciences, c’étoit son plaisir, mais plaisir modeste, et seulement pour s’amuser et s’instruire en dissertant quelque peu, et en écoutant davantage. Mais ce qu’il y cherchoit le plus c’étoit l’utile, des gens à faire parler sur la guerre et les places, sur la marine et le commerce, sur les pays et les cours étrangères, quelquefois sur des faits particuliers mais publics., et sur des points d’histoire ou des guerres passées depuis longtemps. Ces promenades, qui l’instruisoient beaucoup, lui concilioient les esprits, les cœurs, l’admiration, les plus grandes espérances. Il avoit