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et les appointements uniques, et il ne trouvoit pas moins scandaleux que le commandement de quelques provinces fût joint et quelquefois attaché à la place du chef du parlement de la même province, en absence du gouverneur et du lieutenant général en titre, laquelle étoit nécessairement continuelle, avec le même pouvoir sur les troupes qu’eux. Je ne répéterai point ce qu’il pensoit sur le pouvoir et sur l’élévation des secrétaires d’État, des autres ministres, et la forme de leur gouvernement. On l’a vu il n’y a pas longtemps, comme sur le dixième on a vu ce qu’il pensoit et sentoit sur la finance et les financiers. Le nombre immense de gens employés a lever et à percevoir les impositions ordinaires et extraordinaires, et la manière de les lever ; la multitude énorme d’offices et d’officiers de justice de toute espèce ; celle des procès, des chicanes, des frais ; l’iniquité de la prolongation des affaires, les ruines et les cruautés qui s’y commettent, étoient des objets d’une impatience qui lui inspiroit presque celle d’être en pouvoir d’y remédier.

La comparaison qu’il faisoit des pays d’états [1] avec les autres lui avoit donné la pensée de partager le royaume en parties, autant qu’il se pourroit, égales pour la richesse, de faire administrer chacune par ses états, de les simplifier tous extrêmement pour en bannir la cohue et le désordre, et d’un extrait aussi fort simplifié de tous ces états des provinces en former quelquefois des états généraux du royaume. Je n’ose achever un grand mot, un mot d’un prince pénétré : « qu’un roi est fait pour les sujets, et non les sujets

  1. On appelait pays d’états dans l’ancienne monarchie, ceux qui jouissaient du privilège d’avoir des assemblées provinciales, comme le Languedoc, la Bretagne, la Bourgogne, la Provence, l’Artois, le Hainaut, le Cambrésis (pays de Cambrai), le comté de Pau ou de Béarn, le Bigorre, le comté de Foix, le pays de Gex, la Bresse, le Bugey, le Valromey, le Marsan, le Nebouzan, les Quatre-Vallées (dans l’Armagnac), le pays de Labour, etc. Les états de Dauphiné, supprimés sous Louis XIII, ne furent rétablis que peu de temps avant la Révolution. Les pays d’états votaient l’impôt qu’ils devaient payer et en faisaient eux-mêmes la répartition.