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contre le cardinal de Noailles qui, pour quelques excès du P. Doucin, lui avoit fait ôter une pension du clergé, qu’il avoit attrapée d’un temps de faiblesse et de disgrâce des dernières années d’Harlay, archevêque de Paris. Ces deux jésuites demeuroient à Paris en leur maison professe, où le P. Tellier demeuroit aussi ; et tous trois par leur violence, leur profondeur et leur méchanceté étoient secrètement la terreur de tous les autres jésuites, jusqu’aux plus confits et les plus livrés aux vues, aux sentiments et aux intérêts de la société.

Les conjonctures aussi parurent favorables au P. Tellier. Il avoit par M. de Cambrai les ducs de Chevreuse et de Beauvilliers ; il avoit Pontchartrain par opposition à son père ; et par basse politique il avoit d’Argenson ; par ces deux hommes il étoit maître de faire revenir au roi tout ce qui lui seroit utile sans y paroître. L’alliance et la liaison personnelle du cardinal de Noailles avec Mme de Maintenon ne l’embarrassoit plus. Elle étoit usée dans cet esprit changeant. Trois hommes avoient succédé auprès d’elle à M. de Chartres : l’évêque successeur et neveu à cause de Saint-Cyr, mais qui à vingt-sept ou vingt-huit ans, en étoit pour ainsi dire à recevoir encore du bonbon de sa main ; La Chétardie, curé de Saint-Sulpice, son confesseur, dont on a vu ailleurs l’extrême imbécillité, et Bissy, évêque de Meaux, que feu M. de Chartres lui avoit donné comme son Élisée, qu’elle avoit adopté sur le même pied, et qui, sans qu’elle s’en aperçût, étoit à vendre et dépendre corps et âme, pour sa fortune, aux jésuites, et plus particulièrement encore au P. Tellier et à ses deux acolytes. C’étoit une suite de ses menées secrètes à Rome pour la pourpre du temps qu’il étoit à Toul ; et il s’étoit d’autant plus attaché à eux, depuis sa translation à Meaux, que la confiance déclarée de Mme de Maintenon en lui le leur rendoit très-considérable, comme eux à lui, en supplément à Rome des moyens d’arriver, qui lui étoient retranchés par sa translation, qui faisoit cesser