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que les deux d’Argenson, et avec eux, fut saisi d’un tel désespoir qu’il en tomba malade le jour même. On le porta chez le maréchel où il fut impossible de le sauver. Le cœur étoit saisi, le sang gâté ; le pourpre parut, en quatre jours cela fut fini. On peut juger de l’état du père et de la mère. Le roi qui en fut touché ne les laissa ni demander ni attendre. Il leur envoya témoigner la part qu’il prenoit à leur perte par un gentilhomme ordinaire, et leur manda qu’il donnoit la même survivance au cadet qui leur restoit. Pour les jésuites, le cri universel fut prodigieux, mais il n’en fut autre chose.




CHAPITRE V.


Commencement de l’affaire qui a produit la constitution Unigenitus. — Bagatelles d’Espagne. — Maillebois resté otage à Lille, s’en sauve. — Étrange fin de l’abbé de La Bourlie à Londres. — Mariage de Lassai ; sa famille. — Enfants de M. du Maine en princes du sang à la chapelle. — Mort de la duchesse douairière d’Aumont ; son caractère. — Mort et famille de Mme de Châteauneuf. — Mon embarras à l’égard de Monseigneur et de sa cour intérieure.


Ce même mois de mars vit éclore les premiers commencements de l’affaire qui produisit la constitution Unigenitus si fatale à l’Église et à l’État, si honteuse à Rome, si funeste à la religion, si avantageuse aux jésuites, aux sulpiciens, aux ultramontains, aux ignorants, aux gens de néant, et surtout à tout genre de fripons et de scélérats, dont les suites, dirigées autant qu’il leur a été possible sur le modèle de celle de la révocation de l’édit de Nantes, ont mis le désordre, l’ignorance, la tromperie, la confusion partout,