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Peu de jours après mourut à Paris, dans un honnête exil, après la prison de Vincennes, le marquis de Leganez, à qui Mme des Ursins fit accroire qu’on avoit trouvé un grand amas d’armes au Buen-Retiro, dont il étoit gouverneur, et le fit arrêter et paqueter en France, comme il a été dit en son lieu. Il n’y eut jamais d’informations contre lui, beaucoup moins de preuves, et il fit à Paris, entre les mains du duc d’Albe, ambassadeur d’Espagne, les serments qu’on voulut. Il avoit été vice-roi de Catalogne et gouverneur du Milanois, capitaine général de l’artillerie d’Espagne et conseiller d’État, à la vérité fort autrichien. On fut honteux enfin de le tenir à Vincennes, on y adoucit sa prison, on lui permit enfin de demeurer à Paris, mais on ne voulut pas le voir à la cour, et on n’osa le renvoyer en Espagne. Il étoit veuf et sans enfants. Le comte d’Altamire hérita de ses grandesses et de ses biens. Je ferois ici une digression trop longue sur la naissance et la fortune de ces deux seigneurs ; j’aurai lieu de parler d’eux lorsque je m’étendrai sur l’Espagne, à l’occasion de mon ambassade à Madrid.

Le frère du grand-duc de Toscane mourut en ce même temps, celui qui quitta le chapeau pour épouser une Guastalle dont il n’eut point d’enfants, et dont il a été parlé à l’occasion du voyage du roi d’Espagne à Naples. Il avoit l’abbaye de Saint-Amand étant cardinal, et lorsqu’il se maria il se réserva trente mille livres de rentes dessus. Ce fut un deuil de noir de quelques jours.

Bergheyck, qui avoit toujours servi le roi d’Espagne avec tant de fidélité et de capacité à la tête de toutes ses affaires en Flandre, et mandé par lui pour l’aller trouver, passa à Paris et eut plusieurs audiences du roi. On croyoit, et le roi l’auroit fort désiré, qu’il auroit grande part aux affaires en Espagne, mais plus on en étoit capable et moins on en étoit à portée, tant que la princesse des Ursins y gouvernoit, qui sut barrer et renvoyer bientôt Bergheyck, comme elle en avoit chassé, puis exclu tant d’autres.