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Nous tînmes cela secret entre quatre ou cinq de nous autres, de peur que le dessein transpirât, et que d’Antin ne le fît échouer par Torcy ou par le roi même sans s’y montrer, et pour avoir aussi le plaisir de le servir tout à coup de cette bombe en plein parlement. Les choses n’allèrent pas jusqu’au jugement, comme on le verra ci-après. Il faut maintenant terminer cette matière par une frayeur du duc de Beauvilliers, qui ne fut pas sans fondement.

Il avoit cédé son duché à son frère en le mariant, qui de ce moment avoit joui du rang et des honneurs, sans que personne se fût avisé même d’en parler. Cette année il le fît recevoir pair au parlement le 22 janvier, et il voulut se trouver à la cérémonie avec sa famille dans la lanterne. Comme j’entrois ce matin-là dans la grand’chambre, je fus surpris de trouver le duc de Beauvilliers qui m’attendoit derrière la porte, qui, dès que je la débouchai, me prit par la main et me mena en un coin. Là, il me dit qu’il m’attendoit avec impatience, dans l’inquiétude extrême où il étoit sur un avis qui ne lui étoit venu que depuis qu’il étoit arrivé au palais, mais qu’on lui avoit redoublé de plusieurs endroits. On l’avoit averti que plusieurs du parlement étoient résolus à s’opposer à la réception de son frère, mais plusieurs pairs, fondés sur ce que la duchesse de Beauvilliers