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livres de rentes. Le roi donna l’un et l’autre au duc de Noailles.

Mme de Ravetot [1] mourut aussi. Ce fut une perte pour ses amis, dont elle avoit beaucoup, des deux sexes, et la plupart de haut parage : c’en fut aussi une pour le monde, dont elle étoit fort et avec considération. On l’appeloit belle et bonne, et elle étoit l’une et l’autre, avec de l’esprit, des grâces et rien de recherché ni d’affecté. Elle avoit été fort de la cour de Monsieur. Elle étoit fille de Pertuis, autrefois capitaine des gardes de M. de Turenne, qui s’étoit fait estimer et considérer, et étoit mort gouverneur de Menin. Le nom de son mari étoit Canouville, gentilshommes riches, anciens et bien alliés de haute Normandie. Le maréchal de Grammont avoit une fille aînée borgnesse, boiteuse et fort laide, qui ne voulut point être religieuse. Ne sachant qu’en faire, il la maria à Ravetot presque pour rien, après la mort duquel elle se ravisa et se fit carmélite. C’est la belle-mère de celle dont je parle. Le mari étoit un fort brave homme, qui buvoit bien, fort bête et fort débauché, qui s’est ruiné et est mort lieutenant général, et qui n’a laissé qu’une fille, son seul fils étant mort longtemps devant lui, sans avoir été marié, après avoir perdu sa fortune par une prison de douze ou quinze ans, pour s’être battu avec Armentières, mort depuis premier gentilhomme de la chambre de M. le duc d’Orléans.

L’abbé de Pompadour mourut en même temps et emporta moins de regrets. C’étoit un petit homme qui, à quatre-vingt-cinq ou six ans, couroit encore la ville, et qui n’avoit jamais fait la moindre figure. Son père et son frère étoient chevaliers de l’ordre en 1633 et en 1661. Son père s’étoit bien différemment marié, d’abord à une Montgommery, après à une Rohan-Guéméné, sans enfants d’aucune ; enfin à

  1. Saint-Simon écrit Ravetot ; mais la véritable forme est Raffetot, nom d’un village de la Seine-Inférieure.