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conseils dans le cours de l’emploi dont j’étois d’avis qu’ils fussent priés de se charger ; et je leur proposai les ducs de Charost et d’Humières, par qui je comptois bien gouverner l’affaire comme si j’en avois accepté le soin. J’ajoutai que, d’Antin attaquant tous les ducs, les vérifiés n’avoient pas un moins juste sujet de défense que les pairs ; que les vérifiés se trouveroient flattés d’avoir part en la direction de l’affaire ; et, après avoir dit ce que je crus convenable sur ceux que je proposois, je les assurai que, encore que M. d’Humières fût l’ancien de M. de Charost, il lui céderoit sans difficulté partout en une cause de pairie. Ces raisons, et, s’il faut l’avouer, celle de l’influence que j’aurois avec ces messieurs sur la conduite de l’affaire, déterminèrent à s’y arrêter. Ils n’étoient ni l’un ni l’autre à Marly ; on remit à le leur proposer au retour à Versailles, et on résolut de signer ce jour même l’opposition.

Elle fut datée de Paris, en faveur de ceux qui y étoient et qui la voudroient signer le lendemain avant qu’elle fût signifiée, comme elle le fut ce lendemain-là même à d’Aguesseau, procureur général, et au greffier en chef du parlement. Ceux qui la signèrent furent : les ducs de La Trémoille, Sully, Saint-Simon, Louvigny, Villeroy, Mortemart, Tresmes, Aumont, Charost, Boufflers, Villars, Harcourt et Berwick, pairs ; La Rocheguyon, pour soi et pour M. de La Rochefoucauld pair et aveugle ; Humières et Lauzun vérifiés. On ne jugea pas à propos d’en faire signer davantage pour en réserver en adjonction.

Je fus averti par le duc de Villeroy de me trouver le soir de ce même jour chez le duc de La Rocheguyon, pour y discuter encore je ne sais quoi. Comme j’y entrois on proposa d’attendre le duc de Mortemart. Je le connoissois trop, depuis mon aventure avec lui sur Mme de Soubise, pour parler de rien devant lui ; je le dis à la compagnie, avec ménagement toutefois pour le gendre du duc de Beauvilliers ; et je me contentai de les avertir que ce n’étoit pas un homme sûr.