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assez bien réussi pour m’engager de nouveau à les conduire ; que, d’ailleurs, les raisons particulières qui m’avoient plus d’une fois commis avec M. d’Antin ne me permettoient pas de m’exposer volontairement à une occasion nouvelle ; que je les suppliois de n’imputer point mes excuses à paresse ni à mollesse, mais à une nécessité qui ne pouvoit se surmonter. Nous nous séparâmes de la sorte, contents de nos mesures prises en si peu de moments, mais ces messieurs fort peu de mon refus à travers toutes les honnêtetés possibles.

Tant de fermeté, dans un temps de si misérable faiblesse, et parmi des courtisans si rampants qui voyoient clairement le roi contre eux, eut des raisons que dans ma surprise je découvris sans peine. Les ducs de Villeroy et de La Rocheguyon avoient de tout temps vécu dans un parfoit mépris pour d’Antin, et si marqué, que d’Antin, dont la politique avoit toujours été de ne s’aliéner personne, s’en étoit souvent plaint à eux par des tiers, et quelquefois par lui-même ; et comme ç’avoit été sans succès, il s’en étoit formé une inimitié, même assez peu voilée, que la jalousie de la cour intérieure de Monseigneur avoit fomentée, et que la faveur déclarée de d’Antin auprès du roi avoit comblée dans les deux beaux-frères, qui avant de l’être, et de toute leur vie, n’avoient jamais été qu’un, et M. de Liancourt avec eux. Harcourt extrêmement leur ami, et plus encore du premier écuyer qui haïssait sournaisement d’Antin, et qui de plus ne lui pouvoit pardonner les bâtiments sur lesquels il avoit eu lieu de compter, avoit épousé leurs sentiments avec d’autant plus de facilité qu’il regardoit d’Antin comme un dangereux rival pour le conseil, et comme un obstacle à entrer. Bouffiers, si droit, et si touché de la dignité, n’avoit pas oublié les mauvais offices de d’Antin lors de la bataille de Malplaquet ; et Villars lié à d’Antin, par la raison contraire, n’osa jamais abandonner une communauté d’intérêts qui lui faisoit un si prodigieux honneur. Tresmes, né noble, je ne