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et de beaux propos sur les procédés dans l’affaire, que je supprime ici ; qu’ils lui avoient répondu, avec la politesse que demandoit son compliment, mais avec la fermeté la plus nette, sur la défense, qu’ils y étoient résolus ; qu’il y auroit de la honte à marquer de la crainte de sa faveur et de la défiance du droit ; que j’étois celui qui entendoit le mieux ces sortes d’affaires, pour avoir défendu celle contre M. de Luxembourg, et empêché celle d’Aiguillon ; que, ne doutant pas de mon courage, ils venoient à moi me prier de me joindre à eux, et de leur dire ce qu’il y avoit à faire. Ils ajoutèrent qu’il ne falloit pas douter que le roi ne fût pour d’Antin ; que l’espérance de celui-ci étoit qu’il ne se trouveroit personne qui osât le traverser, chose dont sûrement le roi seroit bien aise, mais que ce seroit la dernière lâcheté ; qu’il falloit tous nous bien entendre et marcher d’un pas égal ; que, cela fait, le roi n’oseroit nous en montrer du mécontentement, ni, pour d’Antin seul, fâcher tout ce qui l’environnoit dans les principales charges, qui, réunis, feroient au favori la moitié de la peur ; qu’il falloit commencer par rassembler ce qui étoit à Marly, et que cet exemple seroit puissant sur les autres. La Rocheguyon surtout insista que céder seroit abandonner la cause pendante contre M. de Luxembourg, ouvrir la porte à toutes les prétentions du monde ; et prit avidement ce hameçon de l’affaire de M. de Luxembourg que je lâchai froidement dans le discours. Ils insistèrent donc vivement pour savoir mon sentiment, et surtout comment il s’y falloit prendre pour se bien et fermement défendre.

À ce qu’ils venoient de dire sur le roi, je sentis qu’ils parloient de bonne foi sur tout le reste. Je leur dis donc, mais sans sortir du flegme, que j’étois bien aise de les voir dans des sentiments que l’expérience de toute ma vie les devoit empêcher de douter qu’ils ne fussent les miens ; mais que je leur avouois aussi que mon expérience particulière me rendoit leur ardeur nécessaire pour rallumer la mienne ; que,