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douta qu’elles ne le déterminassent à les aller attaquer, et à réparer sur-le-champ l’occasion qu’il venoit de manquer. Son froid, ses difficultés, ses lenteurs, surprirent infiniment l’armée, où les nouvelles des ennemis s’étoient répandues, et avoient inspiré une ardeur qui éclata par des cris, et qui fit souvenir avec joie de l’ancien courage françois. Les remontrances furent redoublées, pressées, poussées au delà de la bienséance. Villars fut inflexible ; pour toutes raisons il vanta son courage avec audace, on n’en doutoit pas, et fit des rodomontades pour le lendemain. L’armée, en fureur contre lui, coucha en bataille, et ne s’ébranla qu’assez avant dans la matinée suivante par les mêmes lenteurs. Elle eut beau marcher, les ennemis avoient pris les devants, qui furent redevables de leur salut à la rare retenue du maréchal de Villars, dont le motif n’a pu être pénétré, puisque en l’état ou les ennemis se trouvèrent, ils ne pouvoient, de l’aveu des deux armées, éviter d’être battus.

Villars avoit annoncé la bataille par un courrier à la cour, qui fut quatre jours dans la plus vive attente. Enfin un courrier arriva à Fontainebleau, que Voysin amena au roi, qui venoit de donner le bonsoir ; le Dauphin, qui se déshabilloit, se rhabilla, et tout courut en un moment chez le roi, pour apprendre le succès de la bataille, et savoir les morts et les blessés ; l’antichambre étoit pleine, qui croyoit que Voysin en lisoit le détail au roi, qui attendoit qu’il sortît avec la dernière impatience, et qui sut enfin de lui qu’il n’y avoit point eu d’action. Pour revenir à l’armée, Villars voyant les ennemis échappés, il se mit à éclater en reproches. Les officiers généraux, surpris tout ce qu’on peu l’être, se regardèrent les uns les autres ; Albergotti et quelque autre avec lui, prirent la parole pour le faire souvenir qu’il n’avoit pas tenu à leurs représentations les plus vives qu’il n’eût vivement poursuivi sa marche. Montesquiou, qui se crut plus offensé et plus à l’abri que les autres par son bâton de maréchal de France, lui répondit plus vertement