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prince avec toute l’espérance et le bonheur de la nation, avec toutes les grâces, les charmes et les plaisirs de la cour. Ainsi Charost, par des événements uniques, eut le pont d’or que la compagnie des gardes valut à sa famille pour s’en démettre, rattrapa en sus cette même compagnie, et on verra qu’outre qu’il la fît passer à fils et à petit-fils, avec les charges qui en avoient été la récompense et la dignité de duc et pair où elle l’avoit porté, il eut encore la place qui m’avoit été destinée, et dont la vue fit préférer Charost pour la charge de capitaine des gardes du corps.

Les armées du Rhin et des Alpes passèrent de part et d’autre la campagne à s’observer, et à subsister. Besons, qui soulageoit fort d’Harcourt, vivoit aux dépens de l’ennemi au delà du Rhin, tandis qu’Harcourt étoit demeuré dans nos lignes de Wessembourg, avec le gros de l’armée, que Besons rejoignit après avoir consommé tout ce qu’il avoit pu de fourrages. Le reste de la campagne s’y passa dans cette tranquillité jusqu’à la mi-octobre, qu’Harcourt, ne voyant plus rien à craindre, la laissa en quartiers de fourrages sous Besons, et s’en alla prendre des eaux à Bourbonne.

Berwick, toujours sur une assez foible défensive, faute de troupes et de moyens à pouvoir mieux, ne fut que mollement inquiété ; M. de Savoie, qui commandoit son armée, auroit pu l’attaquer plus d’une fois avec beaucoup d’avantage, mais il fut retenu par ses soupçons et plus encore par son mécontentement. Il prit ombrage du trop grand affaiblissement de la France, qui faisoit trop pencher la balance, et il ne pouvoit obtenir du nouveau gouvernement de Vienne de lui tenir les paroles qu’il avoit tirées du précédent, sur des cessions en Lombardie, ni en tirer les payements de ce qui lui étoit dû de subsides.

En Flandre, le prince Eugène et le duc de Marlborough, dans leur union accoutumée, se contentèrent longtemps de vivre aux dépens des pays du roi et de resserrer son armée dans des lignes. À ce qui s’y étoit passé les années précédentes,