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pas d’être en peine d’avoir vu ce cardinal revenir à la cour, et y avoir une audience du roi passablement favorable, après en avoir obtenu une défense de s’y présenter, qui fut ainsi de courte durée. Le roi, tiraillé par les prestiges de son confesseur appuyés du côté de Mme de Maintenon par ceux de l’évêque de Meaux, et l’ineptie irritée de La Chétardie, curé de Saint-Sulpice, ne résistoit qu’à peine pour son ancien goût pour le cardinal de Noailles, et à l’estime qui alloit jusqu’à la vénération qu’il avoit conçue pour lui. Ils s’aperçurent que, quelques progrès qu’ils fissent, la présence du cardinal, ou les déconcertoit, ou du moins mettoit le roi dans un malaise qui les tenoit en échec. Le remède qu’ils y trouvèrent fut de faire renvoyer l’affaire au Dauphin, puisque le roi lui en renvoyoit tant d’autres, qu’il se mêloit de toutes avec autorité par la volonté et pour le soulagement du roi, et que tous les ministres travailloient chez ce prince. Le roi, fatigué de cette affaire, prit aisément à cette ouverture. Il ordonna donc au Dauphin de travailler à la finir, de lui en épargner les détails et de ne lui en rendre compte qu’en gros, et seulement lorsqu’il seroit nécessaire.

Rien n’accommodoit mieux les ennemis du cardinal de Noailles. Il étoit resté le seul en vie des trois prélats qui avoient lutté contre l’archevêque de Cambrai lors de l’orage du quiétisme, et qu’il l’avoient culbuté à la cour et fait condamner à Rome. Ce mot seul explique toute la convenance de la remise de l’affaire présente au Dauphin, livré absolument au duc de Beauvilliers, beaucoup aussi au duc de Chevreuse, toujours également passionné pour son ancien précepteur, élevé dans tous leurs principes sur la doctrine, et qu’ils espéroient bien rendre pareil à eux sur Rome, et sur les immenses terreurs du jansénisme et des jansénistes. Le Dauphin avoit pourtant montré plus d’une fois en plein conseil et avec éclat, sur des affaires très-principales que les jésuites y avoient en leur nom, que la justice et ses lumières prévaloient