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tiers avec le Dauphin et l’abbé de Polignac, la conversation tomba sur le gouvernement de Hollande, sur sa tolérance de toutes les sectes, et bientôt sur le jansénisme. L’adroit abbé n’en perdit pas l’occasion, et dit tout ce qu’il falloit pour plaire. Le Dauphin me donna lieu d’entrer assez dans la conversation. Je parlai suivant mes sentiments et sans affectation. La promenade se poussa tard par le plus beau temps du monde, et je quittai le Dauphin comme il alloit rentrer au château. J’expliquerai ailleurs ce que je pense sur cette matière, parce qu’elle entrera dans plus d’une chose dans la suite, et ma façon de voir et d’être avec le Dauphin. Dès le lendemain matin M. de Beauvilliers me prit dans le salon, et me conta que le Dauphin venoit de lui dire avec beaucoup de joie que, à des discours qu’il m’avoit ouï tenir le soir précédent à sa promenade, il me croyoit éloigné du jansénisme, et tout de suite me demanda de quoi il avoit été question, que le Dauphin n’avoit pas eu le temps de lui expliquer. Il me dit, après lui en avoir rendu compte, qu’il avoit tout à fait confirmé le Dauphin dans cette opinion sur moi, et cela mit en effet sa confiance pour moi au large sur toutes sortes de chapitres, et voilà ce que font les hasards.

Il fit encore qu’à ces propos le duc me dit tout de suite que le Dauphin soupçonnoit fort Pontchartrain de jansénisme, lui qui faisoit sa cour au roi du zèle de cette persécution. La délicatesse de M. de Beauvilliers étoit là-dessus si étrange, qu’après ce qu’il m’avoit dit lui-même que les jésuites et les sulpiciens imputoient au goût malfaisant de Pontchartrain la persécution qu’il faisoit aux jansénistes, je ne le pus faire revenir de ses soupçons là-dessus, qu’en lui répondant de Pontchartrain sur ce chapitre, et que, différent en tout d’avec son père, ils étoient aussi parfaitement divisés sur les jésuites et l’Oratoire. La fréquentation de Pontchartrain, lors de la mort de sa femme, avec le P. de La Tour, général de l’Oratoire, et encore quelque mois