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l’État, la cour et la conduite du Dauphin. Sur leur gnose, ils ne m’en parloient pas ; mais ils étoient à cœur ouvert avec moi sur leur attachement et leur admiration de M. de Cambrai, sur les désirs et les mesures de son retour. Dampierre et Vaucresson m’étoient ouverts en tout temps ; les condisciples obscurs y paraissoient librement devant moi, et y conversoient de même ; et j’étois l’unique, non initié en leur gnose, dans ce genre de confiance et de liberté avec eux. Il y avoit déjà bien des années que je m’étois aperçu qu’il s’en falloit tout que Charost ne fût aussi avant que moi dans leur confiance, par bien des choses dont il se plaignoit à moi de leur réserve, que je lui laissois ignorer qu’ils m’avoient confiées ; et je ne vis pas depuis qu’il avançât là-dessus avec eux, tandis qu’ils me disoient et consultoient avec moi toutes choses.

Dans ma surprise de cette différence d’un homme si fort mon ancien d’âge et de cette sorte d’amitié si puissante avec eux, j’en ai souvent cherché les causes. Son activité étoit toute de corps ; il étoit bien plus répandu que moi dans le monde, mais il savoit peu et ne suivoit guère ce qui s’y passoit de secret et d’important. Il ignoroit donc les machines de la cour, que me découvroient ma liaison avec les acteurs principaux des deux sexes, et mon application à démêler, à savoir et à suivre journellement toutes ces sortes de choses toujours curieuses, ordinairement utiles, et souvent d’un grand usage.

Mme de Saint-Simon étoit aussi tout à fait dans la confiance de MM. et de Mmes de Chevreuse et de Beauvilliers, qui avoient une grande opinion de sa vertu, de sa conduite, du caractère de son esprit. J’avois avec eux la liberté de leur tout dire, qui n’eût pas sié de même à la dévotion du duc de Charost ; enfin j’avois eu les occasions, qu’on a vues ici, de les avertir de choses fort peu apparentes et de la plus extrême importance, qu’ils n’avoient même pu croire que