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Il commençoit à goûter un si doux repos, lorsque, surpris peu de jours après, à Marly, d’un mal étrange, dans la nuit, son valet de chambre l’entendit râler et le trouva sans connoissance. Il cria au secours. Mme la duchesse d’Orléans accourut en larmes ; Mme la Duchesse et Mlles ses filles par bienséance, et beaucoup de gens pour faire leur cour, dans l’espérance que le roi sauroit leur empressement. M. du Maine fut saigné, et accablé de remèdes parce qu’aucun ne réussissoit. Fagon, à qui deux heures à peine suffisoient pour s’habiller par degrés, n’y vint qu’au bout de quatre, à cause de sa sueur toutes les nuits. Il étoit celui de tous le plus nécessaire en cette occasion, parce qu’il connoissoit ce mal par sa propre expérience, quoique jamais si rudement attaqué. Il gronda fort de la saignée et de la plupart des remèdes.

On tint conseil si on éveilleroit le roi, et il passa que non, à la pluralité des voix. Il apprit à son petit lever toutes les alarmes de la nuit, qui étoient déjà bien calmées ; il alla voir ce cher fils dès qu’il fut habillé, et y fut deux fois le jour pendant, les deux ou trois premiers, et une ensuite tous les jours, jusqu’à ce qu’il fût tout à fait bien.

Mme du Maine étoit cependant à Sceaux, au milieu des fêtes qu’elle se donnoit. Elle s’écria qu’elle mourroit, si elle voyoit M. du Maine en cet état, et ne sortit point de son palais enchanté. M. du Maine, accoutumé à en approuver tout servilement, approuva fort cette conduite et l’alla voir à Sceaux dès qu’il put marcher.

Mme la princesse de Conti fut celle qui regretta le plus Monseigneur, et qui y perdit le moins. Elle l’avoit possédé seule et avec empire fort longtemps. Mlles de Lislebonne, qui ne bougeoient de chez elle, l’avoient peu à peu partagé, mais avec de grandes mesures de déférence. Le règne de Mlle Choin avoit tout absorbé ce qui étoit resté à sa maîtresse, pour qui Monseigneur ne conserva que de la bienséance accompagnée d’ennui et souvent de dégoût, que