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mais aucun gain ne pouvoit me compenser les deux premiers articles. L’édit est entre les mains de tout le monde [1], ainsi je l’ai omis parmi les Pièces.

J’allai faire mon compliment à d’Antin. Je ne sais si le changement de la face de la cour, par la mort de Monseigneur, lui fit quelque impression à mon égard, quoique, dès l’introduction de l’affaire, il m’eût parlé avec des politesses qui allèrent aux respects, il me les prodigua en cette visite. Il ne tarda pas à profiter de la grâce qu’il avoit su si habilement se procurer. Il fut enregistré et reçu au parlement le même jour 5 juin suivant. Il donna ensuite un grand dîner chez lui, où il n’y eut qu’une quinzaine de personnes d’invitées, hommes et femmes de sa famille ou de ses plus particuliers amis. Charost et moi y fûmes les deux seuls étrangers, encore Charost avoit-il toujours vécu avec lui à l’armée. Il s’en falloit tout, comme on l’a vu, que j’en fusse là avec lui. Non content de m’envoyer prier chez moi, de m’en prier lui-même dans le salon à Marly, il m’en pressa encore tellement au parlement ; pendant la buvette, qu’il n’y eut pas moyen de l’éviter. Il me fit les honneurs du repas et de sa maison avec une attention singulière ; et, de retour à Marly, je m’aperçus aisément, aux gracieusetés que le roi chercha à me faire, que je lui avois fait ma cour d’avoir été de ce dîner. Le favori mit son duché-pairie sur sa terre d’Antin. En courtisan leste et délié, il dit que ce nom lui étoit trop heureux pour le changer. Il pouvoit ajouter, quoique de bien autre naissance que le favori d’Henri III, que ce nom d’Épernon qu’il avoit rendu si grand et si célèbre, lui seroit et aux siens trop difficile à soutenir. Il fit un trait d’imprudence au delà de tous les Gascons : il osa prier le maréchal de Boufflers d’être l’un de ses témoins. Le maréchal en fut piqué, sans oser refuser une chose qui ne se refuse point, mais il ne voulut point

  1. Voy. cet édit dans la collection des Anciennes lois françaises, par Isambert, t. XX, p. 565-569.