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canal seroit agréable, et il m’en assura. Je lui promis de l’instruire du succès, et nous nous séparâmes de la sorte avec force amitiés et recommandations de sa part de continuer ma même conduite à l’égard de Monseigneur, jusqu’à ce qu’il pût être pleinement détrompé.

L’impossibilité de trouver personne assez de nos amis et assez avant dans la privance de Monseigneur pour lui faire parler, nous avoit tournés vers Mme la duchesse de Bourgogne. Mme de Saint-Simon en eut une audience dans laquelle elle lui conta ce qui vient d’être rapporté, sans lui nommer du Mont, l’excita sur le mariage imputé à crime auquel elle avoit eu une si principale part, lui fit sentir jusque pour elle-même et pour Mgr le duc de Bourgogne en quel danger chacun étoit par l’incroyable crédulité de Monseigneur, livré sans réserve à de tels scélérats. Mme la duchesse de Bourgogne en fut vivement touchée ; elle en sentit tout le péril, entra pleinement en tout ce que Mme de Saint-Simon lui dit, lui parla avec toute sorte d’intérêt et d’amitié, reçut avec mille bontés la prière qu’elle lui fit de parler à Monseigneur, et lui promit de prendre son temps pour le faire, avec l’étendue que la chose méritoit, et en soi, et à mon égard. Quinze ou vingt jours après, elle eut l’attention de dire à Mme de Saint-Simon, qui ne lui en avoit point reparlé, de ne s’impatienter pas ; qu’elle n’avoit pu trouver encore occasion de pouvoir parler avec étendue, mais qu’elle pouvoit compter qu’elle la cherchoit et ne la manqueroit pas. Cela dura jusqu’après le quatrième et dernier voyage de Marly, d’où le roi revint le samedi 15 novembre.

Le lendemain dimanche, Monseigneur s’en alla à Meudon pour plusieurs jours. Il vint à Versailles le mercredi suivant, 19 novembre, pour le conseil d’État, au sortir duquel il retourna dîner à Meudon, et y mena tête à tête avec lui Mme la duchesse de Bourgogne. Ce fut là qu’elle lui parla, sûre du temps, d’être seule, et de ne pouvoir être interrompue.