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hui nécessaire, puisqu’il n’y a rien de changé là-dessus d’alors. M. d’Antin forme un procès qui même est encore dans tout son entier ; on veut son consentement, on le satisfoit, il acquiesce, à la bonne heure. Ne serois-je pas malheureux si, n’y ayant que ces deux hommes et moi en procès, je me trouve seul traité comme ceux qui n’en ont point, eux consultés et contentés, moi condamné et pendu, pour ainsi dire avec ma grâce au cou, moi avec un procès pendant au parlement, avec une compétence ordonnée par le roi, enregistrée au parlement, deux préjugés du roi en plein lit de justice, renouvelés tout à l’heure à l’occasion de MM. de Villars et d’Harcourt, tandis que M. de Luxembourg, avec un préjugé contraire à lui par la provision de préséance sur lui, M. d’Antin pas seulement duc, et des plaidoyers seulement préparés et non commencés, sont ménagés ; en sorte que l’un reste pair, chose autrement à lui très-mal sûre, et pair précédant plus de la moitié des autres ; et l’autre le devient, l’autre, dis-je, qui avec toute sa faveur voit son procès perdu, s’il se juge.

« Encore une fois, monsieur, au point du sacre près, j’aime mieux perdre mon affaire, et que le règlement passe ; mais quelle impossibilité que le règlement passe, et que je ne la perde pas, votre cœur et votre esprit m’honorant, l’un de son amitié, l’autre de son suffrage et de sa persuasion que mon droit est bon ? Que si malgré raison on veut que je perde, n’en pourrois-je point être récompensé, et pour n’avoir ni charge ni gouvernement de province, ni barbe grise comme M. de Chevreuse, mettez la main à la conscience, n’ai-je pas plus de droit que lui, par voie d’échange, d’obtenir une grâce pour l’un de mes fils, en abandonnant le droit de mon rang ? Permettez-moi de vous supplier de ne pas regarder comme une extravagance cette pensée qui se peut tourner de plus d’une manière, et de considérer que, dans toutes les circonstances présentes, il seroit dur d’être regardé à trente-six ans comme un enfant.