prier, et me répondit d’un air ouvert qu’il étoit ravi de me voir dans ce sentiment, et que cela même le mettoit là-dessus à son aise. Nous discourûmes de la manière de s’y prendre ; nous convînmes que l’unique étoit de ne pas faire au roi la prétention si mauvaise, afin d’y laisser une queue d’équité, de la terminer par une nouvelle érection, à quoi le chancelier me promit de faire tout son possible.
Mme de Saint-Simon avoit quitté Marly avec la fièvre ; elle étoit demeurée depuis à Paris assez incommodée, et je l’y allois voir le plus souvent que je pouvois. Le duc de Chevreuse y étoit aussi, qui, fort mal à propos pour ses vues de Chaulnes, avoit esquivé ce Marly, dont le roi n’étoit pas trop content ; car à lui qui étoit réellement ministre, bien qu’incognito, il lui falloit des permissions pour ces absences, que le roi ne lui donnoit pas volontiers. L’inquiétude le prit ; il me vint trouver à Paris : il se mit à me haranguer avec ses longueurs ordinaires ; moi à lui couper court que sa prétention de Chaulnes étoit insoutenable, et n’auroit pas un plus ardent adversaire que moi, s’il se mettoit à la plaider. J’ajoutai tout de suite que, pour lui montrer la vérité de mon amitié, je lui promettois tous bons offices s’il en avoit besoin pour des lettres nouvelles ; et je lui dis ce qui s’étoit passé là-dessus entre le chancelier et moi, mais sans un seul mot qui approchât du règlement. Cette franchise le charma ; il me fit mille remercîments, et me pria de soutenir le chancelier dans ce bon dessein. Dès qu’il m’eut quitté, il se mit à travailler à un mémoire, qui ne valut rien, parce que sa prétention étoit sans aucune sorte de fondement. Il l’envoya au chancelier. Les raisonnements en étoient tellement tirés à l’alambic qu’ils l’impatientèrent, et plus encore une conversation qu’il eut avec lui à Versailles, où il l’alla trouver, tellement qu’il fut grand besoin que je remisse le chancelier de cette mauvaise humeur qu’il avoit prise. Je n’en voulus pas donner l’inquiétude à M. de Chevreuse, quoiqu’il s’en fût un peu aperçu.