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Nous étions à Marly. Ce séjour rendoit tout lent et incommode, et me faisoit un contre-temps continuel. Le chancelier, passionné pour sa maison de Pontchartrain, n’alloit presque plus à Marly, et n’y venoit que pour les conseils. Du mercredi au samedi, il étoit à sa chère campagne, l’autre partie à Versailles, pour être les matins au conseil à Marly et s’en retourner dîner à Versailles. Le lundi, qui lui étoit libre, il tenoit le matin conseil des parties, et le sceau [1] l’après-dînée, de sorte qu’il n’y avoit presque que l’après-dînée du mardi d’accessible chez lui à Versailles. Nous avions, lui et moi beaucoup à conférer, ainsi tout étoit coupé et retardé, et nous jetoit sans cesse dans les lettres de l’un à l’autre. Les ducs de Charost et d’Humières étoient à Paris ; cela me sauvoit du juste embarras d’avoir la bouche fermée pour des amis intimes, dans un intérêt commun, et qui avoient le timon de l’affaire d’Épernon, auxquels néanmoins il fallut bien tenir rigueur jusqu’au bout.

D’Antin à la fin, informé par le chancelier de l’ordre qu’il avoit reçu du roi sur le projet ancien, après qu’Harcourt en eut parlé au roi, seconda la chose par un trait hardi de raffiné courtisan. Il avoit embarqué son affaire par des protestations au roi qu’il ne lui demandoit pour toute grâce que la permission, qu’il ne refusoit à personne, de pousser son procès. Cela ne l’embarrassa point quand il lui convint de changer de langage. Il dit au roi que son procès étoit indubitable, mais cependant qu’il croyoit que son crédit soutiendroit difficilement le nôtre ; que deux autres choses lui faisoient aussi beaucoup de peine : la longueur qui le priveroit d’une assiduité auprès de sa personne, qui faisoit tout son

  1. Il a été question du conseil des parties, t. Ier, p. 445. Le chancelier tenait le sceau avec des conseillers d’État et des maîtres des requêtes, et scellait après leur rapport les édits et déclarations, lettres d’anoblissement, de légitimation, etc. Il pouvait rejeter les ordonnances présentées au sceau, si elles étaient déclarées contraires aux lois du royaume. Voy. notes à la fin du volume.