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frère ; on l’a vu par le conseil qu’il me donna, sans que je le lui demandasse, de m’opposer sagement, mais fermement à la prétention d’Épernon, et par le même qu’il me dit avoir donné à son frère, qui fut fidèlement des nôtres. Mais, par son unité d’ailleurs avec M. de Chevreuse, il ne vouloit pas le blâmer, et se tenoit là-dessus tellement à l’écart que, avec le plus qu’éloignement qui étoit entre lui et le chancelier, il ne put être question que, quoique sans aucun secret mien pour lui, je pusse lui parler du règlement de ce dont il s’agissoit. C’est où nous en étions lorsque, après la mort de Monseigneur, il fut enfin temps de commencer nos plaidoiries sur la prétention d’Épernon, ou de finir tout par le règlement en forme de déclaration ou d’édit dont j’ai parlé.

Le duc de Chevreuse et M. d’Antin le désiroient passionnément par les raisons que j’ai racontées, et je ne le désirois pas moins par celles que j’ai rapportées. Ce secret, comme je l’ai dit, étoit renfermé entre eux deux d’une part, les maréchaux de Boufflers et d’Harcourt et moi d’autre part, et le chancelier ; point milieu des deux côtés qui ne se communiquoient que par lui ; et à la fin se renferma uniquement entre le chancelier et moi seul pour tout ce qu’il s’y fit. Le maréchal de Boufflers s’en alla malade à Paris, dès que la revue des gardes du corps fut faite ; Harcourt partit assez tard pour Bourbonne, et de là pour le Rhin, et on verra pourquoi je ne fus pas pressé de lui parler ; d’Antin et moi n’étions pas en mesure de nous entretenir d’affaires ; le duc de Chevreuse demeura le seul à qui je pusse parler, mais tellement en général que je n’eus pas la liberté de lui avouer que j’eusse connoissance du projet du premier président d’Harlay, moins encore de tout ce qui se passoit sur cette base. Tel étoit le secret que le chancelier m’avoit imposé, ne me laissant que la simple liberté de parler en général à M. de Chevreuse, comme sachant bien qu’on pensoit à un règlement, comme le désirant, mais rien du tout au delà.