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juger également inutile et dangereuse l’ouverture de son corps. Il fut enseveli, les uns ont dit par des sœurs grises, les autres par des frotteurs du château, d’autres par les plombiers mêmes qui apportèrent le cercueil. On jeta dessus un vieux poêle de la paroisse ; et, sans aucun accompagnement que des mêmes qui y étoient restés, c’est-à-dire du seul La Vallière, de quelques subalternes et des capucins de Meudon qui se relevèrent à prier Dieu auprès du corps, sans aucune tenture, ni luminaire que quelques cierges.

Il étoit mort vers minuit du mardi au mercredi ; le jeudi il fut porté à Saint-Denis dans un carrosse du roi, qui n’avoit rien de deuil, et dont on ôta la glace de devant pour laisser passer le bout du cercueil. Le curé de Meudon et le chapelain en quartier chez Monseigneur y montèrent. Un autre carrosse du roi suivit aussi sans aucun deuil, au derrière duquel montèrent le duc de La Trémoille, premier gentilhomme de la chambre, point en année, et M. de Metz, premier aumônier ; sur le devant, Dreux, grand maître des cérémonies, et l’abbé de Brancas, aumônier de quartier chez Monseigneur, depuis évêque de Lisieux, et frère du maréchal de Brancas, des gardes du corps, des valets de pied et vingt-quatre pages du roi portant des flambeaux. Ce très-simple convoi partit de Meudon sur les six ou sept heures du soir, passa sur le pont de Sèvres, traversa le bois de Boulogne, et par la plaine de Saint-Ouen gagna Saint-Denis, où tout de suite le corps fut descendu dans le caveau royal, sans aucune sorte de cérémonie.

Telle fut la fin d’un prince qui passa près de cinquante ans à faire faire des plans aux autres, tandis que sur le bord du trône il mena toujours une vie privée, pour ne pas dire obscure, jusque-là qu’il ne s’y trouve rien de marqué que la propriété de Meudon, et ce qu’il y a fait d’embellissement. Chasseur sans plaisir, presque voluptueux mais sans goût, gros joueur autrefois pour gagner, mais depuis qu’il bâtissoit