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amassés seroient encore trop pour elle. Après cela, il est surprenant qu’il ne se soit trouvé aucune disposition dans les papiers de Monseigneur.

Quelque dure qu’ait été son éducation, il avoit conservé de l’amitié et de la considération pour le célèbre évêque de Meaux, et un vrai respect pour la mémoire du duc de Montausier, tant il est vrai que la vertu se fait honorer des hommes malgré leur goût et leur amour de l’indépendance et de la liberté. Monseigneur n’étoit pas même insensible au plaisir de la marquer à tout ce qui étoit de sa famille, et jusqu’aux anciens domestiques qu’il lui avoit connus. C’est peut-être une des choses qui a le plus soutenu d’Antin auprès de lui dans les diverses aventures de sa vie, dont la femme étoit fille de la duchesse d’Uzès, fille unique du duc de Montausier, et qu’il aimoit passionnément. Il le marqua encore à Sainte-Maure, qui, embarrassé dans ses affaires sur le point de se marier, reçut une pension de Monseigneur sans l’avoir demandée, avec ces obligeantes paroles, mais qui faisoient tant d’honneur au prince : « qu’il ne manqueroit jamais au nom et au neveu de M. de Montausier. » Sainte-Maure se montra digne de cette grâce. Son mariage se rompit, et il ne s’est jamais marié. Il remit la pension qui n’étoit donnée qu’en faveur du mariage. Monseigneur la reprit ; je ne dirai pas qu’il eût mieux fait de la lui laisser.

C’étoit peut-être le seul homme de qualité qu’il aida de sa poche. Aussi tenoit-il à lui par des confidences, tandis qu’il eut des maîtresses ; que le roi ne lui souffrit guère. En leur place, il eut plutôt des soulagements passagers et obscurs que des galanteries dont il étoit peu capable, et que du Mont et Francine, gendre de Lulli, et qui eurent si longtemps ensemble l’Opéra, lui fournirent.

À ce propos, je ne puis m’empêcher de rapporter un échantillon de sa délicatesse. Il avoit eu envie d’une de ces créatures fort jolie. À jour pris, elle fut introduite à Versailles dans un premier cabinet avec une autre, vilaine,