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Maine alla chez le duc de Lauzun, le trouva, passa ensuite chez Mme de Lauzun, y retourna encore une autre fois, et n’oublia rien de tout ce qu’il pouvoit dire et faire. Mme de Lauzun, pour qui il affecta toujours depuis les plus grands égards, ne revit plus Mme du Maine. Très-longtemps après, elle y fut un instant à une occasion publique de compliments de toute la cour, et ne l’a pas revue autrement, encore fut-ce par une espèce de négociation avec son mari qui le voulut en bas courtisan. Outre que cette aventure tourna tout à l’avantage de ma belle-soeur, je trouvai que j’y gagnois beaucoup par la délivrance qu’elle me procura de tout ce à quoi je ne voulois point entendre. Les égards les plus affectés de M. et de Mme du Maine ne laissèrent pas de continuer à être extrêmement marqués pour nous, et c’est où nous en étions avec eux lors de cette conversation de Mme la duchesse d’Orléans avec moi sur le procès de la succession de M. le Prince.

Mme du Maine venoit de faire l’étrange mariage d’une créature de rien qui s’étoit fourrée à Sceaux, je ne sais par où, qui étoit assez jolie, mais [avec] de l’esprit, de la flatterie et de l’intrigue au dernier point. Elle en avoit fait sa favorite. Elle s’appeloit Mlle de Moras, et son nom étoit Fremyn. Son père, qui avoit amassé du bien, s’étoit recrépi d’une charge de président à mortier au parlement de Metz. Sa mère, fille de Cadeau, marchand de drap à Paris, avoit un frère conseiller au parlement. Mme du Maine fit accroire au fils du duc de Brancas qu’il auroit monts et merveilles de ce mariage, tenta le père par de l’argent, qui au lieu de donner du bien à son fils, reçut gros pour faire ce beau mariage. Le rare fut que la plus grande partie de la dot consista en meules de moulins à vendre. Malgré cela, le mariage se fit chez Mme du Maine, qui présenta cette noble duchesse les premiers jours de cette année.

Le roi ne donna point cette année les étrennes que sa famille recevoit de lui tous les ans ; et les quarante mille