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quoique cette autre fût Mme la duchesse de Bourgogne. Elle s’en plaignit à la duchesse de Lauzun, sur le ton de l’amitié qui pourtant laissoit sentir celui du manquement prétendu. M. de Lauzun, qui connoissoit son empire sur son mari avec qui il ne vouloit pas se brouiller, et le peu de mesure de cette princesse, en eut peur. Mme de Lauzun l’appréhenda de même, tellement qu’elle évita, tant qu’elle put, par fuite ou par excuse, de rester dans la suite à jouer à Marly avec Mme la duchesse de Bourgogne les jours qu’on retournoit à Versailles.

Il arriva qu’un de ces jours-là Mme la duchesse de Bourgne la voulut si absolument retenir, et s’y prit de si bonne heure qu’elle ne voulut se payer d’aucune excuse, ni entrer dans l’embarras où elle alloit jeter la duchesse de Lauzun, quoi qu’elle pût lui représenter. Ma belle-soeur n’eut plus à répliquer, ni d’autre parti à prendre que d’aller le dire à Mme du Maine, Le compliment fut d’abord fraîchement reçu, incontinent après la marée monta, et voilà la duchesse du Maine aux reproches d’amitié d’une part, de manéges de l’autre pour faire sa cour à Mme la duchesse de Bourgogne en lui manquant à elle de respect, à lui dire qu’elle pouvoit désormais chercher qui la mèneroit à Marly, si tant étoit qu’elle y revînt, et à rompre avec elle en lui tournant le dos de la manière la plus impérieuse et la plus scandaleuse, ou plutôt la plus folle. Quelque préparée que ma belle-soeur pût être à être mal reçue, une femme de sa sorte ne pouvoit imaginer d’être exposée à une pareille sortie. La colère lui ôta la parole et lui fournit des larmes.

En cet état elle revint dans le salon, où elle rendit à Mme la duchesse de Bourgogne tout ce qui lui venoit d’arriver, sagement et modestement, mais aussi sans en oublier une parole. Mme la duchesse de Bourgogne, qui n’aimoit pas la duchesse du Maine, de qui elle recevoit peu de devoirs, et par qui, en cette occasion, elle se sentit peu ménagée, prit l’injure comme faite à elle-même, se lâcha sur