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s’apercevoir des bontés particulières de Mme la duchesse de Bourgogne, et à entrer dans sa familiarité. M. et Mme du Maine ne se bornèrent pas à Mme de Saint-Simon ; après l’avoir engagée à plusieurs séjours à Sceaux, ils commencèrent à me faire mille avances, à moi qui ne les voyois jamais. Ma belle-soeur en fut chargée longtemps. Lassés de ce que cela ne rendoit point, ils pressèrent Mme de Saint-Simon de m’amener à Sceaux. Je m’excusai longtemps, toujours sans les voir, jusqu’à ce que, les rencontrant par hasard comme ils montoient tous deux en carrosse à Versailles, sans que je me pusse détourner, tous deux vinrent à moi, et par leurs reproches et leurs empressements m’embarrassèrent à l’excès.

Tant de si singulières avances, tant et de si surprenante opiniâtreté pour s’apprivoiser un homme de nulle ressource pour aucuns de leurs plaisirs, et de moindre importance encore par le peu de figure extérieure que je faisois alors dans le monde, me devint enfin suspecte. J’avois pris les premières avances pour politesse pour ma femme et ma belle-soeur ; mais un acharnement semblable, au lieu de la froideur et du rebut que méritoient mes refuites intarissables, et toujours sans les voir jamais, me sembla l’effet d’un dessein formé. J’avois toujours appréhendé de m’initier avec eux, par la crainte du duc du Maine, dont la réputation n’étoit pas heureuse, et non moins encore par son rang qui me donnoit un éloignement involontaire que je ne pouvois surmonter. Je me disois que me forcer pour céder à tant d’avances, et pour vivre en y cédant avec des gens que je ne pourrois sincèrement aimer, étoit contre la probité non moins que contre ma nature. Poussé à bout par leur constance inouïe, je craignis qu’ils ne cherchassent à me lier à eux pour découvrir mes sentiments sur bien des choses, et à force de caresses me mettre dans de pénibles entraves entre l’amitié et le rang, dans la pensée que les temps ne sont pas toujours les mêmes. Ces réflexions me déterminérent