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Maine pour moi, et surtout de lui et de Mme du Maine pour Mme de Saint-Simon, mais avec les expressions les plus chargées. Elle me demanda pourquoi Mme de Saint-Simon s’étoit si fort retirée de Mme du Maine, avec un empressement qui me parut d’autant plus de commission qu’elle me pressa outre mesure de l’en faire rapprocher, et avec des avances si formelles du mari et de la femme que j’en fus surpris et embarrassé. Je lui dis qu’après l’affaire de la duchesse de Lauzun, il eût été difficile et même peu séant dans le monde que sa sœur, avec qui elle étoit si intimement unie, eût gardé une autre conduite. Elle me pressa sur tous les pas qu’ils avoient faits l’un et l’autre vers Mme de Saint-Simon, dont je ne pus disconvenir ni me tirer sans une peine extrême d’un renouement, que je sentis de reste qu’elle avoit charge et grand désir de procurer, sur lequel je restai honnêtement ferme à n’y point entendre et à en demeurer, Mme de Saint-Simon et moi, dans les termes où nous en étions avec M. et Mme du Maine, mais avec tous les compliments dont je pus m’aviser.

Il s’est depuis passé tant de choses fortes entre M. du Maine et moi, et à tant de diverses reprises, et du vivant du roi et après, que je craindrai moins ici la répétition de quelques traits qui se peuvent trouver ci-devant, que de ne m’étendre pas suffisamment sur un chapitre important pour les suites à être bien expliqué. Il faut donc savoir que Mme la duchesse du Maine demeura très-obscure à la cour les premières années de son mariage. Elle y passoit sa vie dans sa chambre parmi les livres et les savants, par une folle malice de M. le Prince, qui lui avoit fait une peur extrême de la jalousie de M. du Maine et de son humeur sauvage, en même temps qu’il lui avoit fait accroire que Mme sa femme étoit très-particulière, adonnée à ce genre de vie, d’étude et qu’il la désespéreroit s’il lui proposoit d’en changer. Le temps qui découvre tout, et l’ennui de cette vie qui devint insupportable à Mme du Maine, firent apercevoir au mari et à la