Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 8.djvu/91

Cette page n’a pas encore été corrigée

d’eux, quoiqu’ils eussent fait tout ce qui avoit pu dépendre d’eux, lors de l’affaire de la duchesse de Lauzun arrivée il y avoit quatre ou cinq ans, pour se la conserver personnellement par toutes les distinctions et les soins possibles ; et qu’ils espéroient au moins que, s’ils ne pouvoient la voir aussi souvent qu’ils avoient continuellement marqué, et qu’ils ne se lasseroient point de marquer qu’ils le désiroient, nous serions persuadés de leur désir et ne voudrions pas nous engager contre eux.

Je répondis à Mme la duchesse d’Orléans, après force compliments, que je lui parlerois avec la même franchise ; que j’avois résolu, avant que le roi parlât comme il venoit de faire, de tâcher par tous moyens de conserver la neutralité, persuadé que dans ces sortes de choix on obligeroit peu ceux pour qui on prenoit parti, et qu’on se rendoit irréconciliables ceux contre qui on se déclaroit ; mais qu’advenant impossibilité de demeurer neutre, je ne balancerois pas à suivre ouvertement le parti de M. du Maine, encore que je n’eusse aucun commerce avec lui ; qu’il ne tiendroit qu’à moi de m’en faire un mérite auprès d’elle, et qu’en effet je serois ravi de me déclarer suivant son inclination, mais que, pour lui parler avec toute franchise, j’avois un motif plus fort et plus pressant qui étoit la manière pleine d’égards, de mesure et de considération dont M. et Mme du Maine en avoient usé pour moi dans l’affaire de Mme de Lussan, affaire qui avoit fait éclater si étrangement contre moi M. le Duc et Mme la Duchesse. Que je n’oubliois point la différence de ce procédé, et que je la suppliois d’assurer M. et Mme du Maine, si liés alors avec M. le Duc, et qui avoit toujours aimé et protégé Mme de Lussan, jusqu’à avoir marié sa fille, que je leur en témaignerois le souvenir en toute occasion.

Mme la duchesse d’Orléans s’épanouit fort à cette réponse, à laquelle il me parut qu’elle ne s’attendoit pas. Elle me parla beaucoup de l’estime et de la considération de M. du