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fut à faire que M. le duc d’Orléans se ramenât le monde. Je fis ce que je pus pour l’engager aux démarches qui y étoient nécessaires, aidé par Mme la duchesse d’Orléans, et favorisé par le grand changement et public en bien du roi pour lui ; mais il étoit encore si effarouché, qu’il craignoit également la solitude et la compagnie, et ne se pouvoit résoudre à donner les moyens et les facilités propres à se faire rentourer. Le duc de Noailles avoit été dans leur plus étroite confidence à tous deux ; il s’en étoit fort retiré depuis l’affaire d’Espagne, surtout de M. le duc d’Orléans. C’étoit lui, comme je l’ai dit ailleurs, qui lui avoit donné Flotte ; il prétendit l’avoir toujours parfaitement ignorée ; il craignit de s’y trouver pour quelque chose, à cause de Flotte, s’il continuoit dans la même liaison ; il s’éloigna sous prétexte que ce prince s’étoit trop avantagé dans l’éclat de cette affaire ; que c’étoit lui qui lui avoit donné cet homme ; il se passa entre eux encore quelque autre chose ; bref, je n’ai jamais su le fond de tout cela, ni par le prince, ni par le duc, avec qui j’ai vécu longtemps en liaison la plus étroite, mais qui ne commença que plus tard. La prétention des filles de Mme la duchesse d’Orléans sur les femmes des princes du sang étoit déjà née ; le duc de Noailles y étoit entré fort avant dans les premières, et quoi qu’il eût pu faire pour se cacher, il ne put éviter que Mme la Duchesse, avec qui il étoit fort bien, n’en fût informée et piquée jusqu’aux reproches, et puis à la froideur. Le désir de se raccommoder avec elle eut peut-être part au procédé qu’il eut avec M. le duc d’Orléans. Il étoit déjà personnage à la cour par l’amitié et la confiance de Mme de Maintenon, et par ses emplois, et Mme la Duchesse ne fut pas fâchée de se raccommoder avec lui. Ces mêmes raisons nous firent désirer à Mme la duchesse d’Orléans et à moi de le ramener. Il étoit toujours demeuré fort en mesure avec elle, et elle croyoit que M. le duc d’Orléans avoit tort avec lui ; elle-même en étoit embarrassée, et désiroit fort de finir tout cela.