Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 8.djvu/77

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chez qui je n’allois jamais qu’un instant aux occasions ; que maintenant que rien ne les séparoit plus, c’étoit à lui à me prescrire ma conduite à cet égard, et à mon attachement pour lui à m’y conformer. À l’instant il me pria de la voir avec un empressement qui me surprit. Il me dit que c’étoit une chose qu’il avoit résolu de me demander ; il ajouta qu’il seroit extrêmement aise que la liaison qui étoit entre lui et moi s’étendît à elle ; il s’étendit là-dessus en raisons et en désirs.

J’étois cependant extrêmement pressé par elle de la voir. Elle avoit chargé la duchesse de Villeroy de m’en témoigner son impatience, et cela plusieurs fois, c’est-à-dire tous les jours, et de me dire à quel point elle ressentoit ce que j’avois fait pour elle. Elle en avoit dit autant aussi à Mme de Saint-Simon avec de grandes effusions de cœur, qui la voyoit souvent ; mais, sans rien de particulier, lui avoit parlé dans les termes de la plus vive reconnoissance. Ainsi, après avoir laissé passer quelques jours, pendant lesquels M. le duc d’Orléans me pressoit toujours de la voir, je convins avec la duchesse de Villeroy de l’heure d’y aller, parce qu’elle me vouloit voir en particulier. Comme je fus annoncé un soir après son jeu, le peu de familières qui étoient restées s’en allèrent. Elle étoit dans son cabinet dans un petit lit de jour, en convalescence de sa couche de la reine d’Espagne. On m’apporta un siége auprès d’elle où je m’assis. Là, tête à tête, tout ce qu’elle me dit de gracieux ne se peut rendre. La joie et la reconnoissance s’exprimoient avec un choix de paroles si juste, si précis et si fort que j’en fus surpris. Elle eut l’art de me faire entendre tout ce qu’elle sentoit à mon égard sur ce que j’avois fait pour elle, et qui n’est pas écrit ici, sans qu’il lui échappât rien d’embarrassant ni pour elle ni pour moi ; et je me sauvai par des respects et des compliments vagues. Surtout elle me remercia de l’avoir si bien servie sans l’avoir jamais auparavant connue, et se récria sur la générosité, car ce fut le terme qu’elle employa, de ne