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affectueuses sur mon attachement à sa personne, et mon désir de lui plaire en tout, que je poussai avec une sorte de familiarité et d’épanchement, parce que je sentis à son air, à ses discours, à son ton et à ses manières, que je m’en étois mis à portée. Aussi furent-ils reçus avec une ouverture qui me surprit, et qui ne me laissa pas douter que je ne me fusse remis parfaitement auprès de lui. Je le suppliai même de daigner me faire avertir, s’il lui revenoit quelque chose de moi qui pût lui déplaire, qu’il en sauroit aussitôt la vérité, ou pour pardonner à mon ignorance, ou pour mon instruction, ou pour voir que je n’étois point en faute. Comme il vit qu’il n’y ayait plus de points à traiter, il se leva de dessus sa table. Alors je le suppliai de se souvenir de moi pour un logement, dans le désir que j’avois de continuer à lui faire une cour assidue ; il me répondit qu’il n’y en avoit point de vacant, et avec une demi-révérence riante et gracieuse, s’achemina vers ses autres cabinets, et moi après une profonde révérence je sortis en même temps par où j’étois entré, après plus d’une demi-heure d’audience la plus favorable ; et fort au delà de ce que j’avois pu espérer.

J’allai tout droit chez Maréchal, par un juste tribut, lui raconter tout ce qui se venoit de passer, et que je lui devois uniquement, dont il fut ravi et en augura au mieux ; de là chez le chancelier à qui la messe du roi me donna loisir de tout conter. Il pesa attentivement chaque chose, et fut tellement surpris de la façon dont le roi étoit descendu dans tous les détails, de ses réponses, de ses interruptions, et puis de ses reprises, qu’il me protesta qu’il ne connoissoit pas encore quatre hommes à la cour, de quelque sorte qu’ils fussent, avec qui le roi en eût usé ainsi. Il m’exhorta à une grande circonspection, à une grande assiduité, à bien espérer, et m’assura que, connoissant le roi comme il faisoit, pour ainsi dire à revers, je pouvois compter, non-seulement qu’il ne lui restoit aucune impression contre moi, mais qu’il étoit bien aise qu’il ne lui en restât aucune, et que j’étois très-