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faire là-dessus ; après quoi le roi l’avoit quitté brusquement comme un homme non préparé à une audience insolite, et qui avoit peur que cette déclaration ne fût suivie de quelque demande à laquelle il ne vouloit pas laisser de loisir. Quoique ce récit me déplût fort, je ne laissai pas d’espérer que la froideur du roi venoit moins d’un éloignement invincible que d’un temps mal pris et de la surprise, qui étoient les deux choses du monde qui le rebroussoient le plus, et j’espérai que la réflexion, venant sur l’effort du sacrifice, sur son entière gratuité, puisqu’il n’étoit accompagné d’aucune demande, ni même d’aucune insinuation de rien, sur la cessation de la cause et des effets des déréglements de toutes les sortes et des sujets de douleur de Mme la duchesse d’Orléans, ramèneroient ce prince dans l’état où il devoit être avec le roi, avec toutes les personnes royales, au moins à l’extérieur pour Monseigneur, et conséquemment avec le monde. Je le désirois d’autant plus que je faisois moins de fond que je ne lui avois témoigné sur Mme de Maintenon, et que je ne me fiais guère à la bonne réception qu’elle lui avoit faite, ni aux bons offices qu’elle lui avoit promis. Il falloit bien du spécieux, et même quelque réalité apparente, dans une occasion comme celle-là ; une autre conduite auroit trop ouvert les yeux. Il falloit même que le roi y fût trompé pour lui ôter toute défiance, et demeurer plus entière aux desservices qu’elle voudroit porter en d’autres temps. Le funeste bon mot d’Espagne n’étoit pas pour être pardonné, et M. du Maine lui étoit trop intimement cher pour contribuer à augmenter, même à rétablir, l’amitié et la confiance du roi pour M. le duc d’Orléans si supérieur à l’autre en tout genre, excepté en fourbe, en adresse et en esprit de ce genre. Je fis donc de mon mieux pour rassurer M. le duc d’Orléans sur le roi, par les deux raisons que j’ai alléguées ; et Besons et moi n’oubliâmes rien pour le rassurer et le consoler. Le silence et les propos se succédèrent à diverses reprises.