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sur les Nièces de Mazarin, a relevé plusieurs erreurs de ce dernier passage. Saint-Simon dit (p. 442) « qu’elle (la comtesse de Soissons) fit sa paix et obtint son rappel par la démission de sa charge, qui fut donnée à Mme de Montespan. » Puis il ajoute : « La comtesse de Soissons, de retour, se trouva dans un état bien différent de celui d’où elle étoit tombée. » M. Amédée Renée fait remarquer que ce ne fut que beaucoup plus tard, en 1680, à l’époque où Olympe s’enfuit hors de France, qu’elle se démit de sa charge, qui fut, non point donnée, mais vendue par elle, moyennant deux cent mille écus, à Mme de Montespan. Celle-ci l’avoit convoitée pendant tout son règne de favorite, et elle ne l’obtint qu’aux approches de sa disgrâce.

Une assertion plus grave est relative à l’empoisonnement de Marie-Louise d’Orléans, reine d’Espagne, dont Saint-Simon accuse la comtesse de Soissons (t. VI, p. 443). Il prétend que cette princesse mourut peu de temps après avoir bu du lait glacé que lui apporta Olympe Mancini, et il ne manque pas de rapprocher le sort de Louise d’Orléans de celui de sa mère, Henriette d’Angleterre. Nous avons vu (t. III, p. 448) que rien n’étoit moins certain que l’empoisonnement de Madame. M. Amédée Renée prouve que l’on doit également douter des assertions de Saint-Simon relatives à l’empoisonnement de sa fille [1]. Je me bornerai à résumer ce passage de son livre, et souvent même je le citerai textuellement.

« Saint-Simon, dit-il [2], avoit rapporté de son voyage d’Espagne cette anecdote de lait empoisonné ; il y ajouta foi sans nul doute, sans regarder de près à l’invraisemblance de l’histoire. Cette reine à qui l’on procure du lait en cachette, comme la chose la plus introuvable, et qui s’en fait apporter par une princesse étrangère, au lieu de s’adresser à son maître d’hôtel, cela ne ressemble-t-il pas à un conte arabe ? Il n’est guère étonnant d’ailleurs que les bruits d’empoisonnement qui avoient déjà couru sur la comtesse de Soissons aient donné lieu en Espagne à de nouveaux soupçons et à une sorte de légende populaire. Mais dans une sphère plus élevée, on ne trouve que Saint-Simon qui attribue ce crime à Olympe. Examinons les témoignages contemporains. La palatine, duchesse d’Orléans, qui étoit la belle-mère de la reine d’Espagne, croit à l’empoisonnement comme Saint-Simon, mais il n’est point question de lait à la glace avec elle ; elle assure que la jeune reine fut empoisonnée dans des huîtres, ce qui pourroit bien réduire la chose à un simple accident. Elle dit encore, et avec peu de vraisemblance, que ce fut le comte de Mansfeld qui procura le poison à deux femmes de chambre françaises.

  1. Ibid., p. 225 et suiv.
  2. Ibid., p. 226.