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science et d’érudition que M. le cardinal de Polignac commence à nous enuuyer ? Car d’ailleurs personne ne traite ces matières avec moins de pédanterie que lui : s’il cite, c’est toujours à propos, parce que, comme il a une prodigieuse mémoire, elle lui fournit de quoi soutenir la conversation sur tous les points, quelque matière que l’on traite. Pour moi, qui ai fait mes études, mais à qui il reste encore bien des choses à apprendre, j’avoue que je n’ai jamais pris de leçons plus agréables que celles qu’il donne dans la conversation. »


II. MADEMOISELLE DE LA MOTHE-H0UDANCOURT.


Page 329.


Mlle de La Mothe-Houdancourt[1], dont Saint-Simon parle (p. 329 de ce volume), avoit vivement excité l’attention de la cour en 1661, et avoit été regardée comme une rivale dangereuse pour Mlle de La Vallière. Les Mémoires du temps sont remplis de ces détails. Mme de Motteville raconte que le roi, qui étoit alors à Saint-Germain, avoit pris l’habitude d’aller à l’appartement des filles de la reine. « Comme l’entrée de leur chambre, ajoute-t-elle, lui étoit interdite par la sévérité de la dame d’honneur[2], il entretenoit souvent Mlle de La Mothe-Houdancourt par un trou qui étoit à une cloison d’ais de sapin, qui pouvoit lui en donner le moyen. »

Bussy-Rabutin parle aussi de Mlle de La Mothe dans son Histoire amoureuse des Gaules. Après avoir raconté une scène de jalousie entre Louis XIV et Mlle de La Vallière, il ajoute : « Le roi vit, le jour suivant, Mlle de La Mothe, qui est une beauté enjouée, fort agréable et qui a beaucoup d’esprit. Il lui dit beaucoup de choses fort obligeantes ; il fut toujours auprès d’elle, soupira souvent, et en fit assez pour faire dire dans le monde qu’il en étoit amoureux, et pour le persuader à Mme sa mère, qui grondoit sa fille de ne pas répondre à la passion d’un si grand monarque. Toutes les amies de la maréchale s’assemblèrent pour en conférer, et après être convenues que nous n’étions plus dans la sotte simplicité de nos pères, elles querellèrent à outrance cette aimable fille. Mais elle avoit dans le cœur une secrète attache pour le marquis de Richelieu ; ce qui faisoit qu’elle voyoit sans plaisir l’amour que le roi lui témoignoit. »

  1. Elle se nommait Charlotte-Éléonore-Madeleine de La Mothe-Houdancourt; elle épousa, en 1671, Louis-Charles de Lévi, duc de Ventadour.
  2. La dame d'honneur était alors la duchesse de Navailles.