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NOTES.


I. LE CARDINAL DE POLIGNAC.


Page 102 et suiv.


Le cardinal de Polignac est un des personnages sur lesquels Saint-Simon a donné carrière à sa causticité ; il revient souvent à la charge, répète les mêmes anecdotes, et ne manque aucune occasion de décrier les talents diplomatiques du cardinal. Sans entreprendre l’apologie de ce prélat, il est bon de remarquer que d’autres contemporains ont exprimé sur le cardinal de Polignac une opinion tout opposée. Je citerai, entre autres, le marquis d’Argenson, qui a été ministre des affaires étrangères sous Louis XV, et qui ne pèche pas par excès d’indulgence. Voici dans quels termes il parle du cardinal de Polignac[1]

« Je vois quelquefois M. le cardinal de Polignac, et il m’inspire toujours les mêmes sentiments d’admiration et de respect. Il me semble que c’est le dernier des grands prélats de l’Église gallicane qui fasse profession d’éloquence en latin comme en françois, et dont l’érudition soit très-étendue. Il n’y a plus que lui qui, ayant pris place parmi les honoraires dans l’Académie des belles-lettres, entende et parle le langage des savants qui la composent. Il s’exprime sur les matières d’érudition avec une grâce et une noblesse qui lui sont propres. La conversation du cardinal est également brillante et instructive. Il sait de tout, et rend avec clarté et grâce tout ce qu’il sait ; il parle sur les sciences et sur les objets d’érudition comme Fontenelle a écrit ses Mondes, en mettant les matières les plus abstraites et les plus arides à la portée des gens du monde et des femmes, et les rendant dans des termes avec lesquels la bonne compagnie est accoutumée à traiter les objets de ses conversations les plus ordinaires.

« Personne ne conte avec plus de grâce que lui, et il conte volontiers ; mais les histoires les plus simples, ou les traits d’érudition qui paroîtroient

  1. Mémoires du marquis d'Argenson, p. 210 et suiv.