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au champ de bataille, et y joindre les deux vainqueurs. Ils y avoient formé, fort près des ennemis, un corps de cavalerie, et ces ennemis étoient cinq ou six bataillons et autant d’escadrons, qui étoient demeurés sur le champ de bataille ne sachant où se retirer, et qui se firent jour avec précipitation, abandonnant vingt pièces de canon, deux mortiers, leurs blessés et leurs équipages, que la cavalerie victorieuse avoit pillés le soir, et entièrement dispersés sur le champ de bataille. Aussitôt on détacha après les débris de l’armée. Beaucoup de fuyards, de traîneurs et d’équipages furent pris ; mais le comte de Staremberg se retira en bon ordre avec sept ou huit mille hommes, parce qu’il avoit l’avance de toute la nuit. Ses bagages et la plupart des charrettes de son armée et de ses munitions furent la proie du vainqueur.

On ne doit pas oublier une action particulière, dont la piété, la résolution et la valeur, méritent une louange immortelle. Comme on alloit donner le troisième assaut à Brihuega, le comte de San-Estevan de Gormaz, grand d’Espagne, officier général et capitaine général d’Andalousie, vint se mettre avec les grenadiers les plus avancés. Le capitaine qui les commandoit, surpris de voir un homme si distingué vouloir marcher avec lui, lui représenta combien ce poste étoit au-dessous de lui. San-Estevan de Gormaz lui répondit froidement qu’il savoit là-dessus tout ce qu’il pouvoit lui dire, mais que le duc d’Escalona son père, plus ordinairement nommé le marquis de Villena, étoit depuis très-longtemps prisonnier des Impériaux, indignement traité à Pizzighettone, avec les fers aux pieds, sans qu’ils eussent jamais voulu entendre à aucune rançon ; qu’il y avoit dans Brihuega des principaux officiers généraux impériaux et anglois ; qu’il étoit résolu à les prendre pour délivrer son père ou de mourir en la peine. I1 donna dans la place avec ce détachement, fit merveilles, prit de sa main quelques-uns de ces généraux, et peu de temps après en