Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 8.djvu/439

Cette page n’a pas encore été corrigée

le canon commença à tirer de part et d’autre, et presque aussitôt les deux lignes du roi d’Espagne s’ébranlèrent pour charger. Il étoit alors trois heures et demie après-midi, et il faut remarquer que les jours d’hiver sont un peu moins courts en Espagne qu’en ce pays-ci. La bataille commença dans cet instant par la droite de la cavalerie qui rompit leur gauche, la mit en déroute, et tomba sur quelques-uns de leurs bataillons, les enfonça et s’empara d’une batterie que ces bataillons avoient à leur gauche. Un moment après, la gauche du roi d’Espagne chargea leur droite, fit plusieurs charges, poussa et fut poussée à diverses reprises, repoussa enfin, gagna les derrières de leur infanterie, et fut jointe par la cavalerie de la droite du roi d’Espagne, qui avoit battu et enfoncé les ennemis de son côté, par les derrières de cette infanterie de leur droite, qui combattoit la cavalerie de notre gauche avec beaucoup de vigueur et la poussoit sur la réserve. Cette réserve étoit des gardes wallones qui venoient d’arriver de Brihuega. Elles pénétrèrent les deux lignes des ennemis et leur corps de réserve, et poussèrent ce qui se trouva devant elles bien au delà du champ de bataille. Néanmoins le centre espagnol plioit, et la gauche de sa cavalerie n’entamoit pas la droite des ennemis. M. de Vendôme s’en aperçut si fort qu’il crut qu’il falloit songer à se retirer vers Torija, et qu’il en donna les ordres. Il s’y achemina avec le roi d’Espagne, et une bonne partie des troupes. Dans cette retraite il eut nouvelle que le marquis de Valdecanas et Mahoni avoient chargé l’infanterie ennemie avec la cavalerie qu’ils avoient à leurs ordres, l’avoient fort maltraitée, et s’étoient rendus maîtres du champ de bataille, d’un grand nombre de prisonniers, et de l’artillerie que les ennemis avoient abandonnée. Des avis si agréables et si peu attendus firent perdre le parti au duc de Vendôme de remarcher avec le roi d’Espagne et les troupes qui les avoient suivis, et de s’avancer, en attendant qu’il fût jour, sur les hauteurs de Brihuega, pour rentrer