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incomparables Espagnols. Il fut informé de la situation où étoit Staremberg, mais en la manière que Staremberg désiroit qu’il le fût, c’est-à-dire qu’il crût Stanhope aventuré mal à propos, en état d’être enlevé et trop éloigné de l’armée de Staremberg pour en être secouru à temps, par conséquent tenté de se commettre à un exploit facile qui lui ouvriroit le passage pour sa jonction avec Bay. En effet les choses parurent ainsi à Vendôme. Il pressa sa marche, fit ses dispositions, et, le 8 décembre après midi, il s’approcha de Brihuega, la fit sommer, et, sur le refus de se rendre, se mit en l’état de l’attaquer.

Incontinent après, sa surprise fut grande lorsqu’il découvrit qu’il y avoit tant de troupes, et qu’en croyant n’avoir affaire qu’à un poste peu accommodé il se trouvoit engagé devant une place. Il ne voulut pas reculer, et ne l’eût peut-être pas fait bien impunément. Il se mit donc à tempêter avec ses expressions accoutumées, aussi peu honnêtes qu’injurieuses, à payer d’audace, et à faire tout ce qui étoit en lui pour exciter ses troupes à diligenter une conquête si différente de ce qu’il se l’étoit figurée, et avec cela si dangereuse à laisser languir.

Cependant le poids de la bévue, s’appesantissant à mesure que les heures s’écouloient et qu’il venoit des nouvelles des ennemis, Vendôme, à qui deux assauts avoient déjà mal réussi, joua à quitte ou à double, et ordonna un troisième assaut. Comme la disposition s’en faisoit, le 9 décembre, on apprit que Staremberg marchoit au roi d’Espagne avec quatre ou cinq mille hommes, c’est-à-dire avec la franche moitié moins qu’il n’en amenoit en effet. Dans cette angoisse Vendôme ne balança pas à jouer la couronne d’Espagne à trois dés : il hâta tout pour l’assaut, et lui cependant avec le roi d’Espagne prit toute sa cavalerie, marcha sur des hauteurs par où venoit l’armée ennemie.

Durant cette marche toute l’infanterie attaqua Brihuega de toutes ses forces et toute à la fois. Chacun des assaillants,