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au roi son maître, à qui rien ne l’en feroit manquer ni en reconnoître un autre ; et tout de suite pria civilement Stanhope de se retirer, parce qu’il avoit besoin de repos et de se mettre au lit. Il ne lui en fut pas parlé davantage, et il ne lui fut fait aucun déplaisir, ni aux siens. La ville aussi ne souffrit presque aucun dommage. Staremberg fut soigneux d’une discipline exacte qui sentît la clémence, même l’estime et l’affection, pour tâcher de s’en concilier. Cependant leur armée périssoit de toutes sortes de misères. Rien du pays n’y étoit apporté, aucune subsistance pour hommes ni pour chevaux, et même pour de l’argent il ne leur étoit rien fourni. Prières, menaces, exécutions, tout fut parfaitement inutile ; pas un Castillan qui ne se crût déshonoré de leur vendre la moindre chose, ni d’en laisser en état d’être pris.

C’est ainsi que ces peuples magnanimes, sans aucun autre secours possible que celui de leur courage et de leur fidélité, se soutinrent au milieu de leurs ennemis, dont ils firent périr l’armée, et par des prodiges inconcevables en reformèrent en même temps une nouvelle et parfaitement équipée et fournie, et remirent ainsi, eux seuls, et pour la seconde fois, la couronne sur la tête de leur roi, avec une gloire à jamais en exemple à tous les peuples de l’Europe, tant il est vrai que rien n’approche de la force qui se trouve dans le cœur d’une nation pour le secours et le rétablissement des rois.

Stanhope, qui n’avoit pu méconnoître la solidité de l’avis de Staremberg dès le premier moment de leur dispute, ne fut pas le moins du monde embarrassé du succès. Il lui échappa insolemment, au milieu de l’entrée de l’archiduc à Madrid, que maintenant qu’il se voyoit avec lui dans cette ville il avoit fait son affaire, puisqu’il avoit exécuté les ordres de sa reine ; que c’étoit maintenant celle de Staremberg et à son habileté à les tirer d’embarras ; qu’on verroit comment il s’y prendroit, dont peu à lui importoit. Ce pas