Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 8.djvu/428

Cette page n’a pas encore été corrigée

sous le marquis de Richebourg, de la défaire, ce qui n’auroit coûté que le chemin, de s’établir pied à pied dans le centre de l’Espagne, pour avoir le Portugal au derrière et les ports de mer à côté et à portée, laisser en Aragon un petit corps suffisant à contenir les pays soumis, et faire tête à l’armée battue, lequel petit corps auroit derrière soi Barcelone et la Catalogne, si fort à eux : parti solide qui eût en peu achevé de ruiner les affaires du roi d’Espagne, ne lui eût laissé de libre que le côté de Bayonne, coupoit toute autre communication, et on se saisissoit pied à pied de toute l’Espagne, avec des points d’appui qui n’eussent pu être ébranlés, et qui n’eussent laissé nulle ressource, et aucun moyen dans l’intérieur du pays de se mouvoir en faveur du roi d’Espagne.

Stanhope, au contraire, fut d’avis d’aller tout droit à Madrid, d’y mener l’archiduc, l’y faire proclamer roi d’Espagne, d’épouvanter toute l’Espagne par en saisir la capitale, et de là comme du centre s’étendre suivant le besoin et l’occasion.

Staremberg avoua l’éclat de ce parti, mais il le maintint peu utile, et de plus dangereux. Il allégua le grand éloignement de Madrid des frontières de Portugal, de Catalogne, de la mer et de leurs magasins ; que cette ville ni aucune voisine n’a de fortifications, ni toutes ces campagnes de la Nouvelle-Castille aucun château fort ; la stérilité du pays, où on ne rencontreroit nulle subsistance, qu’ils trouveroient soustraite ou brûlée ; l’affection de ces peuples pour Philippe V ; enfin l’impossibilité de conserver Madrid et de se maintenir dans ce centre, et la perte d’un temps si précieux à bien employer.

Ces raisons étoient sans doute décisives, mais Stanhope, qui commandoit en chef les troupes anglaises et hollandaises, sans lesquelles cette armée n’étoit rien, déclara que les ordres de sa reine étoient de marcher à Madrid de préférence à tout, si les événements le rendoient possible ; qu’il