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voyant que par leurs yeux en ces matières, s’y laissa aller ; mais ils eurent affaire à un homme comblé et au-dessus de tout par ses mœurs, par sa fortune et par sa conduite à la cour et dans son diocèse. Il prit l’affaire avec la dernière hauteur, et quand le roi lui voulut parler, duquel avec raison il avoit depuis longtemps la confiance, il lui répondit si ferme que le roi se tut tout court, et que les jésuites demeurèrent depuis dans la crainte et le respect avec lui.

Il avoit un neveu à Saint-Sulpice, fort saint prêtre, mais d’une parfaite bêtise, d’une ignorance crasse, et l’homme le plus incrusté de toutes les misères de Saint-Sulpice qui y ait jamais été nourri. Un tel sujet parut propre au P. Tellier pour en faire un archevêque d’Arles, et pour se bien réconcilier le cardinal de Janson, au moins se faire un mérite auprès du roi de lui proposer son neveu pour en faire tout d’un coup un archevêque, et dans son propre pays.

Le roi, qui goûta fort ce choix, le voulut apprendre lui-même au cardinal de Janson. Celui-ci, qui étoit droit et vrai, au lieu de remercier, s’écria, dit au roi qu’il ne connoissoit point l’abbé de Janson ; qu’il n’étoit point fait pour être évêque ; que ce seroit encore trop pour lui qu’être vicaire d’un curé de campagne, et supplia le roi de l’en croire, et, s’il vouloit lui marquer de la bonté, donner à son neveu de quoi vivre par quelque abbaye de dix ou douze mille livres de rente, qui seroit un Pérou pour lui, et ne l’engageroit à rien. Le cardinal eut beau dire et beau faire, même à plusieurs reprises, le roi le loua fort, mais tint ferme, et l’abbé de Janson fut archevêque d’Arles.

Nîmes fut donné à l’abbé de La Parisière, qui le paya bien à son protecteur, et qui se rendit aussi célèbre en forfaits que Fléchier, son prédécesseur, l’étoit devenu par son esprit, sa rare éloquence, sa vaste érudition, et sa vie et ses vertus épiscopales.

Le Normand eut Évreux. C’étoit un homme fait exprès pour le P. Tellier, un cuistre de la lie du peuple, qui, à force