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d’Arles de jalousie, qui, comme je l’ai dit ailleurs, visoit, quoique avec si peu de moyens et d’apparence, au cardinalat, et qui étoit enragé que sa belle-soeur n’eût pas valu un duché et toutes sortes de fortunes à sa maison. Il avoit donc voulu parier [1] dans l’assemblée avec le cardinal de Noailles, et l’avoit picoté, fait contre, rassemblé et soulevé tant qu’il avoit pu. Le succès n’avoit pas répondu à ses désirs : la faveur du cardinal étoit encore entière ; il étoit aimé et estimé dans le clergé ; il y étoit considéré et ménagé ; on ne se le vouloit point attirer pour des bagatelles. Le cardinal, qui vit la mauvaise humeur de l’archevêque, essaya de le ramener avec douceur, politesse et raison ; l’archevêque en fut encore plus piqué, et força le naturel bénin et pacifique du cardinal de lui répondre avec une fermeté et une autorité qui lui fermèrent la bouche, mais qui remplirent son cœur de haine à ne lui pardonner jamais.

Dans ce dessein de vengeance, et dans celui de se faire un épaulement contre le cardinal, il se jeta plus que jamais aux jésuites, à qui il avoit toute sa vie beaucoup fait sa cour. Il n’oublia pas de leur parler du cardinal de Noailles, dont la haine commune le lia intimement avec le P. Tellier. Celui-ci trouva dans l’archevêque d’Arles tout ce qu’il pouvoit désirer d’ailleurs pour en faire un grand usage contre le cardinal de Noailles : un nom illustre, une alliance avec Mme de Maintenon, une belle-soeur dame d’atours de Mme la duchesse de Bourgogne, un archevêque déjà un peu ancien. Il le falloit mettre en place de s’en pouvoir servir, et pour cela le tirer de Provence ; c’est ce qui le détermina à le faire passer à Reims, dont je ne vis jamais homme si aise que le nouveau duc et pair par toutes sortes de raisons.

Le cardinal de Janson vivoit bien avec les jésuites sans penser en rien comme eux ; ils voulurent hasarder quelque chose dans son diocèse, et mettre le roi de la partie, qui, ne

  1. Aller de pair.