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sans enfants plusieurs années après ; et sa sœur en est devenue grande dame, de laquelle il n’est pas encore temps de parler.

Avant de quitter la Flandre, il faut dire que le duc de Mortemart étoit venu apporter au roi la capitulation de Douai, et lui rendre compte du siége. On fut étonné qu’un homme si marqué, et par sa charge si fort approché du roi, eût pris une commission si triste, de laquelle il s’acquitta même si mal que le roi en fut embarrassé par bonté. J’aurois dû mettre cet article à la suite de la prise de Douai, c’est un oubli que je répare.

Retourné à l’armée de Flandre, il se mit à jouer tête à tête avec d’Isenghien à l’hombre, qui y jouoit assez mal et qui n’étoit rien moins que joueur. C’est le même qui, longues années depuis, est devenu maréchal de France. L’amusement grossit bientôt, parce que M. de Mortemart fut piqué d’éprouver la fortune contraire. Tant fut procédé qu’à force de multiplier les séances, d’enfermer M. d’Isenghien chez lui, et d’y grossir les parties, malgré lui, qui gagnoit, et qui avec toute l’honnêteté du monde n’osoit le refuser, malgré ses remontrances et celles des spectateurs, que M. de Mortemart perdit, ce qu’il n’a jamais voulu dire, dont M. d’Isenghien le racquitta enfin, jusqu’à près de cent mille francs. Cette perte fit grand bruit dans l’armée. M. d’Isenghien dont la probité étoit connue, et qui n’étoit ni joueur ni encore moins adroit, avoit eu avec la fortune les meilleurs et les plus honnêtes procédés.

On fut choqué qu’un homme fût capable de faire un tel voyage à un jeu comme l’hombre. Le roi le fut beaucoup, et la cour ne s’en tut pas. M. de Beauvilliers fut au désespoir de la chose, et de son effet, et de tout ce qu’elle lui faisoit envisager.

Ce n’étoit pas le premier chagrin cuisant que lui causa ce gendre, ce ne fut pas aussi le dernier. Sa fille déjà si malheureuse étoit grosse ; elle s’en blessa de déplaisir, et en