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montrer partial, et le dire, renvoyer le procès au parlement de Dijon. Le procureur général reçut avec grand respect les ordres du roi et force protestations d’obéissance ; il fit bientôt naître des difficultés ; il reçut de nouveaux ordres ; ils furent réitérés ; il les voulut du roi lui-même. Il ne s’effraya point de la fermeté que le roi lui témoigna dans sa volonté pour la seconde fois. Il multiplia les difficultés si bien, qu’il donna de l’ombrage sur son intention, et le confirma par la même conduite. Celui par qui tout passoit entre le roi et d’Aguesseau, fatigué d’un procédé si bizarre, détourna deux audiences que ce dernier s’étoient ménagées, et ne pouvant parer la troisième, il s’y trouva en tiers, répondit à tout, aplanit tout, et indigné de ce qu’il ne se pouvoit plus dissimuler, par ce qu’il voyoit du procureur général, il le mit hors du cabinet du roi presque par les épaules.

Pour achever de bien entendre tout ceci, il faut savoir qu’il y avoit trois canaux dans toute cette affaire : celui que je ne nomme point, qui, par extraordinaire, donna les ordres du roi pour Cluni ; Pontchartrain, comme secrétaire d’État de la maison du roi, qui en fut naturellement chargé pour Saint-Denis, et qui le fit avec tant d’éclat et de partialité en même temps pour les Bouillon, dont avec raison il tenoit à grand honneur d’avoir épousé l’issue de germaine, que celui qui avoit donné les ordres pour Cluni le fit remarquer au roi, et lui enleva ceux dont par sa charge il devoit être naturellement chargé pour le procureur général ; le chancelier, par son office à l’égard du parlement, qui en cela comme en toute autre affaire pensoit et sentoit tout au contraire de son fils. Le procureur général continuoit ses difficultés, et lorsqu’on croyoit l’avoir mis au pied du mur, il en inventa de nouvelles, non sur la chose et le fond qui n’en étoit pas susceptible, mais sur cent bagatelles accessoires dont il composoit des volumes de mémoires en forme de questions raisonnées, dans le dessein d’ennuyer le roi et