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qui avoit fort plu au roi par l’amitié du comte de Toulouse, et qui avec bien moins d’esprit que ses frères avoit plus de sens et de manége, ne se voit plus depuis la campagne de Lille ; il boudoit et ne paraissoit presque plus à la cour. Il ne restoit du comte d’Auvergne que deux fils en France, tous deux prêtres, tous deux sans esprit, l’aîné plein d’ambition et de petits manéges, encore plus d’une débauche qui le bannissoit du commerce des honnêtes gens, et en tout genre fort méprisable et méprisé. Le cadet, qui n’avoit pas ces vices, étoit une manière d’hébété obscur qui ne voyoit personne. Ainsi M. de Bouillon n’avoit point de secours dans sa famille que soi-même.

Dans cet état pressant, il s’adressa au chancelier, puis un matin au roi lui-même qu’il prit dans son lit, avec la commodité, le loisir et le tête-à-tête de cette privance des grandes entrées, où chacun de ce très-peu qui les ont se retire à l’autre bout de la chambre, ou même en sort dès qu’on en voit un d’eux qui veut parler au roi. Là, M. de Bouillon déplora sa condition, les folies de son frère, s’épuisa en louanges au roi, en actions de grâces de ses bienfaits, surtout en reconnoissances de sa sujétion, parce que ce n’étoit qu’en paroles, en compliments, et encore tête à tête ; pria, pressa, conjura le roi d’arrêter les effets de sa colère, et, pour un coupable que sa famille avoit le malheur d’avoir produit, ne pas flétrir sa maison. Le roi, quelque temps froid et silencieux, puis peu à peu ramené à ses premières bontés par la soumission de tant de propos affectueux, lui répondit qu’il ne demandoit pas mieux que de continuer à distinguer sa personne et sa famille de son frère rebelle et criminel, mais que la révolte de son frère portant coup pour toute sa maison, par le déni fait à lui-même d’être son sujet, par sa lettre sur le fondement de sa naissance, il ne pouvoit tolérer cette injure sans s’en ressentir, et que c’étoit au duc lui-même à voir ce qu’il pouvoit faire pour donner lieu à éviter ce que ce déni méritoit. M. de Bouillon, fort