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situés. En même temps, Baluze fut privé de sa chaire de professeur au Collège royal et chassé à l’autre bout du royaume.

Mais tout cela n’alloit pas au fait, et montroit seulement en opposition une indigne complaisance dans un temps, par le privilége donné à ce livre, au mépris de l’arrêt de l’Arsenal antérieur, et une colère impuissante dans un autre. Le roi fut excité contre l’injustice, le désordre et l’abus de ces rangs de princes étrangers donnés à des gentilshommes françois, et il y prêta l’oreille ; il donna ses ordres pour la visite de l’abbaye de Cluni, et de tous les monuments d’orgueil qu’en manière de pierre d’attente, le cardinal de Bouillon y entassoit depuis si longtemps, comme descendant des ducs de Guyenne, suivant la fausseté du cartulaire de Brioude, fabriqué par ce de Bar, il descendoit masculinement des fondateurs de Cluni. C’étoit sa chimère de tout temps, que, faute de preuves et de toute vérité ni vraisemblance, il appuya enfin de cette insigne fausseté. Il avoit en attendant multiplié à Cluni les actes et les marques de cette fausse descendance dans les temps de sa faveur et de son autorité, sous prétexte de bienfaits de sa part, et de reconnoissance des moines ; il y avoit fait conduire les corps de son père, de sa mère, de plusieurs de ses neveux, et, sous prétexte de piété, se faisoit de leur sépulture des titres et des monuments de grandeur, avec tout l’art, la hardiesse et la magnificence possible.

Le parlement rendit, le 2 janvier 1711, arrêt portant commission au lieutenant général de Lyon de visiter cette abbaye, et d’y faire entièrement biffer et effacer tout ce qui, en quelque façon que ce pût être, en monuments ou en écritures, étoit de cette nature, et cela fut pleinement exécuté.