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dessous des coups qu’on dédaignoit de frapper sur eux ; je lui nommai quelques-uns de ceux-là qu’il voyoit malgré tant d’avantages ensevelis dans la fange, et après ces peintures que je fis les plus vives que je pus, je demandai à M. le duc d’Orléans auquel des premiers ou des seconds il aimoit mieux ressembler. J’ajoutai qu’il ne falloit pas se tromper par une illusion grossière ; que plus sa proximité du trône l’élevoit avec éclat, et lui donnoit de facilité de joindre à cette naturelle splendeur la splendeur empruntée par les autres de l’estime, de la faveur, de la confiance du maître commun de tous, des grands emplois, du crédit, de l’autorité, plus aussi le dénûment de ces choses, et le dénûment produit par le déréglement et la saleté de sa vie le feroit tomber plus bas que ces seigneurs pris sous les ruines de leur obscurité débordée, dans un mépris d’autant plus cruellement profond, qu’il seroit inouï et justement invoqué : que c’étoit désormais à lui, dont les deux mains touchoient à ces deux différents états, d’en choisir un pour toute sa vie, puisque, après avoir tant perdu d’années et nouvellement depuis l’affaire d’Espagne, meule nouvelle qui l’avoit nouvellement suraccablé, un dernier affaissement auroit scellé la pierre du sépulcre où il se seroit enfermé tout vivant, duquel, après, nul secours humain, ni sien ni de personne, ne le pourroit tirer. Je terminai un discours si nerveux par des excuses et des louanges et par la considération du prodigieux dommage de la perte civile d’un prince de son rang, de son âge et de ses talents, puis me tournant brusquement au maréchal, je tombai sur lui de ce qu’il me laissoit tout faire, et seul en proie à tout le mauvais gré.

Alors M. le duc d’Orléans me remercia d’un ton de gémissement auquel je connus l’impression profonde que j’avois faite en son âme, et bien plus encore lorsque, se levant de sa chaise, il se mit à reprocher à Besons sa mollesse à lui parler. Le maréchal s’excusa sur ce que je ne lui laissois rien à dire, et je lui répondis vivement exprès que, mon zèle me