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pu faire a été d’adoucir par degrés les peines qu’il avoit méritées. Aussi non-seulement je lui ai laissé la jouissance de ses revenus lorsqu’il est rentré dans mon royaume, mais depuis je lui ai permis de changer de séjour, quand il m’a représenté les raisons qu’il avoit pour sortir des lieux où j’avois fixé sa demeure. Enfin je lui avois accordé, sans même qu’il me l’eût demandé, la liberté d’aller dans telle province et tel endroit du royaume qu’il lui plairoit, pourvu que ce fut à une distance de trente lieues de Paris ; et lorsque, pour abréger sa route, il a passé à l’extrémité de cette ville, il a séjourné aux environs, je ne m’y suis pas opposé. Il supposoit qu’il alloit en Normandie pour régler quelques affaires, qu’ensuite il passeroit à Lyon, mais il crut devoir faire enfin connoître le véritable motif et unique but de son voyage. Au lieu d’aller à Rouen et de passer à Lyon, comme il l’avoit assuré à sa famille, il a fait un assez long séjour en Picardie, et passant ensuite à Arras, il s’est rendu à l’armée de mes ennemis, suivant les mêmes sûretés qu’il avoit prises avec celui de ses neveux qui sert actuellement dans la même armée, et qui dès le commencement de cette guerre avoit donné l’exemple de désertion que son oncle vient de suivre. Le cardinal de Bouillon l’ayant imité dans sa fuite m’a de plus écrit une lettre dont je vous envoie la copie. Il me suffiroit pour punir son orgueil, d’abandonner cette lettre aux réflexions du public, mais il faut un exemple d’une justice plus exacte à l’égard d’un sujet qui joint la désobéissance à l’oubli de son état et à l’ingratitude des bienfaits dont j’ai comblé sa personne et sa maison ; et le rang où je l’ai élevé ne me dispense pas de m’acquitter à son égard des premiers devoirs de la royauté. J’ordonne à mon parlement de Paris de procéder contre lui suivant les lois. Vous communiquerez la lettre qu’il m’a écrite, et vous informerez Sa Sainteté de la manière dont il a passé à mes ennemis, car il est nécessaire que le pape connoisse par des preuves aussi évidentes le caractère d’un homme qui se prétend